Leonore, affirma Fausta avec force. Et tu seras heureuse...
Ecoute, maintenant... Oui, l'eveque est mort! Oui, celui-la ne te fera
plus souffrir... Mais il est quelqu'un qui est vivant encore, qui te
cherche et qui t'adore... Celui qui t'a aimee. Celui que tu as aime...
--Qui est-ce? fit la bohemienne avec indifference.
--Jean...
Saizuma tressaillit et preta l'oreille comme a une voix qui lui eut
parle de tres loin.
--Jean? murmura-t-elle. Oui... peut-etre... oui... je crois que j'ai
entendu ce nom...
--Jean! duc de Kervilliers! repeta Fausta.
Saizuma palit. Elle se leva toute droite.
--Quel est ce nom? balbutia-t-elle avec douleur.
--Le nom de celui que tu as aime! reprit Fausta avec autorite. Jean de
Kervilliers, c'est celui qui devait etre ton epoux... Tu vois bien
que tu l'aimes encore, puisque tu fremis et palis a ce seul nom...
Souviens-toi, Leonore...
--Souviens-toi. Souviens-toi comme tu etais heureuse lorsque tu
l'attendais... lorsque, du balcon du vieil hotel de Montaigues, tu
guettais son arrivee.
--Oui... oui...! murmura la bohemienne dans un souffle.
--Souviens-toi comme il te prenait dans ses bras et comme tu te sentais
defaillir sous ses baisers. Jean de Kervilliers t'adorait... et, si une
fatalite vous a separes, il en a souffert autant que toi. Lui-meme me
l'a dit. Il n'a cesse de t'aimer!... Il te cherche... ne veux-tu pas le
voir?...
Saizuma, arrachant ses deux mains a l'etreinte de Fausta, les avait
placees devant ses yeux comme si une lumiere trop vive les eut eblouis.
Elle palpitait. De rapides frissons la secouaient. De confuses images de
son passe lui revenaient par lambeaux.
Ce nom, Jean de Kervilliers, etait un flambeau qui eclairait bien les
recoins tenebreux de son esprit.
Fausta la considerait avec l'attention passionnee qu'elle apportait a
tout ce qu'elle entreprenait.
--Suis-moi, dit-elle, je te jure qu'un jour, bientot, tu reverras celui
que tu aimes.
Palpitante, Saizuma suivit cette femme qui exercait sur elle un
prodigieux ascendant. Elle ne savait pas exactement qui etait ce Jean de
Kervilliers. Mais elle savait que ce nom provoquait en elle une douleur
melee de joie.
Fausta entra dans le pavillon. Saizuma l'y suivit en tremblant.
--Oh! dit-elle, c'est ici que j'ai revu l'eveque!... Si vous avez pitie
de moi, faites que jamais plus je ne le revoie.
--Et Jean de Kervilliers?...
Un sourire illumina le charmant visage de la folle:
--Je vou
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