pu m'accorder les propositions emises precedemment et en
reconnaitre la justesse. En effet, elles resultent de la constatation
de faits que chacun a pu observer. Mais il me parait necessaire de les
rattacher a un point fixe et de chercher, en dehors du theatre, une
methode de demonstration.
Or, en physiologie, ou en psychologie, comme on voudra, on admet, en se
basant sur des series d'experiences pour ainsi dire quotidiennes, et que
chacun peut controler par ses propres observations, que notre attention,
ordinairement diffuse et mobile, peut, en se concentrant sur des
impressions recues par notre esprit ou sur des sensations eprouvees par
un de nos organes, nous rendre insensibles a tout ce qui ne se rapporte
pas exclusivement soit a ces impressions intellectuelles, soit a
ces sensations organiques. En d'autres termes, sous l'influence de
preoccupations speciales, un groupe de sensations, d'images ou d'idees,
s'impose a nous a l'exclusion de tous les autres qui restent alors
inapercus. On pourrait dire, en quelque sorte, que la sensibilite
energiquement surexcitee d'un de nos organes anesthesie momentanement
nos autres organes.
Les exemples sont nombreux et bien connus. Une personne absorbee par
une pensee regarde fixement sans les voir les autres personnes qui sont
devant elle; ou bien, captivee par un spectacle, elle n'entendra pas
qu'on lui parle. Un soldat, au milieu de la melee, n'a pas immediatement
conscience d'une blessure qu'il vient de recevoir; il ne s'en apercoit
que lorsque le sang qui coule attire son attention. Pascal domptait
la douleur par le travail, et Archimede, occupe de la resolution d'un
probleme, ne percevait pas le bruit du combat qui se livrait dans les
rues de Syracuse. La vue des images divines, qui hantaient l'esprit des
martyrs, les absorbait souvent a tel point qu'ils ne sentaient ni le fer
ni le feu qui torturaient leurs chairs. Mais, pour prendre un exemple
moins tragique et d'observation plus aisee, tout le monde sait que,
lorsque nous voulons concentrer notre esprit sur une idee, nous fermons
instinctivement les yeux, ou bien que nous fixons nos regards sur
quelque angle banal et obscur de la chambre; que l'enfant, pour
apprendre ses lecons, se bouche les oreilles de ses deux mains, et que
le collegien qui regarde les mouches voler ne profite pas beaucoup des
demonstrations du professeur. C'est a l'infini qu'on pourrait recueillir
des faits semblables. Tantot, c'est la preoccupation
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