pectateurs des rapprochements aussi piquants
qu'inattendus. La diction et les gestes doivent, eux aussi, concourir
au meme effet general, s'ecarter de la logique dans les limites du
comprehensible, et presenter toujours un rapport, amusant pour l'esprit,
entre la fiction et la realite.
Il est encore une limite que ne doit pas depasser la fantaisie, c'est
celle des convenances. Je ne parle pas seulement des convenances banales
qui consistent a ne pas outrager les bonnes moeurs. Mais un exemple fera
mieux comprendre la portee de cette observation. Quand un auteur
veut traduire sur la scene, pour en tirer des effets comiques, des
personnages de la vie reelle, auxquels nous attachons des idees,
factices peut-etre, mais tres puissantes, de dignite, de fierte morale,
et qui dans notre esprit sont associes a des sentiments extremement
delicats, il ne peut le faire, sans nous blesser, qu'en exagerant ce qui
est precisement chez eux une qualite essentielle. C'est pourquoi dans
_Lili_, le role du Commandant etait si amusant, tandis que ceux des
autres officiers meles a la meme action etaient si choquants. C'est
qu'en effet c'est une qualite chez un militaire d'etre bref, energique,
et d'avoir en meme temps le coeur bon et sensible, et que par consequent
on peut rire des exagerations burlesques de ces memes qualites. La
fantaisie conserve un rapport certain entre les images associees, et
quand nous redescendons de la fantaisie au reel, nous ne trouvons rien
que de respectable dans l'idee eveillee en nous par l'auteur. Notre
rire ne se trouve pas en desaccord formel avec ce qui compose
notre sentiment. Au contraire, une sentimentalite de goguette, la
frequentation d'un monde interlope, la trivialite du gout et des
habitudes nous choqueront chez un militaire, auquel nous attachons des
idees d'honorabilite, de rigidite meme, de droiture et de dignite; et
c'est pourquoi nous n'acceptons pas sur la scene, quand il s'agit de
militaires, la representation de ces defauts bien qu'ils soient humains.
La fantaisie ne fera qu'exagerer notre repugnance, car il y aura une
contradiction choquante entre l'image qu'on nous presente et l'image
reelle que nous evoquons en nous: et nous nous sentirons d'autant plus
blesses que l'image qui nous est chere repose sur une idee acquise,
laborieusement fondee par necessite sociale et soigneusement entretenue
par amour-propre national.
Pour en revenir a la mise en scene, si l'on faisait une etude
compar
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