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nous examinons un tableau, nous verrons que les peintres produisent
l'illusion de l'eloignement, d'une part, par l'effacement des traits
particuliers, et, d'autre part, par la degradation des tons. Mais, si
nous transportions cette loi telle quelle dans la mise en scene, elle ne
s'appliquerait qu'aux decorations, ou elle est en effet tres habilement
observee par les peintres qui cultivent cette branche de l'art. Pour en
faire utilement l'application a la mise en scene, il est necessaire de
la transformer. Nous ne considererons plus, comme dans la peinture, des
plans de distance, mais des plans d'importance scenique. Et nous dirons
que, dans la mise en scene, le fini et la perfection d'imitation des
objets qui composent le materiel figuratif doivent etre proportionnels a
leur importance hierarchique.
Je prendrai un exemple dans _l'Ami Fritz_. Le repas que l'on sert au
premier acte necessite un grand nombre d'accessoires, qui ont chacun une
certaine importance, les uns parce qu'ils ont un rapport avec le texte,
les autres parce qu'ils servent a des combinaisons sceniques. Il faut
donc observer la loi de proportion. La nappe, sur laquelle l'attention
des spectateurs est formellement appelee, doit etre d'une imitation
beaucoup plus parfaite que les autres parties du service. Les details du
repas ne doivent pas etre traites tous avec le meme soin, ni atteindre
le meme degre de fini, car ils ne sont pas tous destines a faire
egalement illusion. La fumee qui s'echappe de la soupiere repond par la
perfection d'imitation au jeu de scene qui ouvre le repas et sur lequel
l'attention du spectateur est appelee et maintenue pendant un certain
temps. Mais, apres la soupe, toute la suite du repas est composee
d'accessoires de theatre, qui sont bientot relegues au deuxieme et
troisieme plan d'importance par la marche de l'action theatrale. Si nous
nous transportons dans un autre theatre, a la Gaite, par exemple, nous
verrons qu'au premier tableau de _la Charbonniere_, piece dans laquelle
la mise en scene occupait le premier rang, la loi de proportion etait
cependant observee et exactement de la meme facon, dans la disposition
du banquet des fiancailles. La regle est generale et on en trouvera
l'application dans toute mise en scene bien concue. C'est ainsi que sont
regles le repas de don Cesar au quatrieme acte de _Ruy Blas_, celui
d'Annibal et de Fabrice dans _l'Aventuriere_, et celui de l'oncle et du
neveu dans _Il ne faut jurer
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