d'une
facon durable dans notre esprit. Il est donc impossible que le costume
n'ait point part a toutes les modifications physiques et morales
auxquelles nous sommes soumis incessamment.
Et de fait il en est ainsi. Un homme vif, actif, ne s'habille pas ou
ne porte pas ses vetements comme un homme lent et paresseux. Une femme
paree de sa dignite mondaine n'a pas le meme aspect exterieur que
la meme femme, sous les memes vetements, prete a s'abandonner dans
l'intimite a l'entrainement de son coeur. Son corps, auquel sa fierte
donnait une sorte de rigidite, ploie et assouplit ces memes vetements
sous l'effort du mouvement passionne qui l'agite. Voici un homme, il y a
quelques heures correct dans sa tenue d'homme du monde, dont une nuit
de jeu a pali et bouleverse les traits: est-ce que ses vetements ne
porteront pas la trace de son anxiete fievreuse et ne prendront pas,
comme son visage, un aspect devaste? A plus forte raison la femme
languissante et malade ne s'habillera pas comme la femme qui recherche
l'admiration des hommes et brave la jalousie des autres femmes.
Il est inutile d'insister, car ce sont la en quelque sorte des lieux
communs. Il me reste a faire remarquer que, precisement, notre theatre
contemporain tient grand compte, meme parfois avec exces, de ces nuances
psychologiques de costume. A la scene, les comediens modifient leur
costume selon les differents actes de la vie; et les femmes, soit
qu'elles recherchent un effet de similitude ou de contraste, ajustent
les couleurs de leurs robes a celles de leurs pensees. Aussi les
personnages y prennent un caractere remarquable de verite et de naturel.
Comment se fait-il que dans la tragedie on n'ait pas davantage senti
la necessite d'ajuster l'aspect des personnages aux divers etats
psychologiques qu'ils traversent? Sans doute, il faut le faire avec une
grande sobriete et ne pas se laisser entrainer a l'unique representation
de faits materiels qui jouent un role tres restreint dans la tragedie;
mais quand un etat moral est de nature a agir sur tout l'etre, l'unite
absolue de costume peut etre parfois un contresens et avoir une
influence funeste sur la composition d'un role.
Dans la tragedie de Racine, telle qu'on la represente, Phedre est vetue
d'une simple tunique rattachee sur l'epaule par des agrafes, serree a la
taille par une ceinture et tombant jusqu'aux talons. Phedre est a demi
decolletee et ses bras sont nus jusqu'aux epaules. Au premier acte,
un s
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