r un
jugement sur la nature reelle des objets. Il semble que nous les
touchions, et si nous les touchions reellement les sensations eprouvees
seraient plus fortes, mais nullement differentes de celles que la vue
avait suffi a determiner en nous. Or, au theatre, le tact ne peut
pas s'exercer, et la distance est toujours assez grande pour que
les sensations tactiles associees aux sensations optiques soient
excessivement faibles, car ce ne sont que des reminiscences. La
distance, en effet, ne nous permet pas d'apprecier le poli du marbre, la
transparence de l'ivoire, la qualite fibreuse du bois, la trame soyeuse
des etoffes, non plus que l'habilete du tissage ou du brochage. Nos
sensations optiques se reduisent au coloris des objets, aux relations
de tons entre les ombres et les lumieres et a la nature plus ou moins
brillante ou mate des reflets.
Nous ne jugeons donc, au theatre, des objets que par leur aspect
exterieur. Par consequent, pour que notre illusion soit suffisante, le
theatre ne nous doit que des apparences. A quoi servirait-il de nous
montrer une colonne de marbre, si une colonne de carton peint nous
produit l'effet du marbre? A quoi bon recouvrir des meubles d'une etoffe
couteuse, si une etoffe plus grossiere produit un effet analogue? Du
bois blanc habilement peint ne suffira-t-il pas a representer a nos
yeux le meuble le plus precieux? Qu'on le remarque, ce n'est pas la le
resultat d'une convention prealable, conclue entre le decorateur et le
public. Le theatre nous donne absolument tout ce qu'il nous doit, des
sensations optiques exactes; et comme nous ne pouvons controler ces
sensations par le toucher, il n'a pas a se preoccuper d'une eventualite
qui ne se produira pas. Un directeur inintelligent pourrait seul avoir
la fantaisie de satisfaire un sens qui au theatre ne s'exerce jamais. On
en a vu des exemples, et jamais l'effet n'a repondu a l'attente. Seule,
la ruine est au bout de ces essais aussi inutiles qu'extravagants.
D'ailleurs, c'est precisement parce que la mise en scene est une fiction
qu'elle est un art.
Les costumes, eux aussi, devraient obeir a la loi d'apparence. On en
tient compte, sans doute, dans une certaine mesure, les hommes surtout,
car les femmes y resistent ou plutot se revoltent contre elle. Mais
est-ce bien aux actrices qu'il faut reprocher leurs exces de toilette?
N'y a-t-il pas de la faute du public? Voyez dans une salle de spectacle
toutes les lorgnettes se diriger sur l'ac
|