ression de nos passions varie suivant le milieu ou nous vivons et
suivant les idees transmises ou acquises, dont chacun de nous est en
quelque sorte un recueil different. Ils s'interessent a l'humanite
en detail et tiennent compte d'une foule de differenciations, dont
autrefois on ne s'inquietait nullement, parce qu'en somme elles etaient
moins visibles.
Cette revolution esthetique s'accorde d'ailleurs avec nos idees
metaphysiques, psychologiques et physiologiques actuelles. Comme le
monde, comme les societes, comme toutes les sciences, l'esthetique a
cru en complexite et en heterogeneite, et nous ne sommes pas sans doute
encore au bout des transformations que l'avenir lui imposera. La mise
en scene ne peut pas s'isoler et se separer de l'esthetique, dont elle
n'est qu'une partie subordonnee; elle ne doit pas obeir a des principes
differents. C'est pourquoi l'evolution de la mise en scene n'est pas le
resultat d'un parti pris, mais au contraire resulte d'une transformation
insensible de l'esthetique dramatique et de la societe moderne. La mise
en scene a ainsi acquis une plasticite qu'elle n'avait pas autrefois, et
sur ce point semble se soumettre ou tout au moins se preter aux theories
de l'ecole realiste ou naturaliste, dont le plus grand tort est de
vouloir precipiter une evolution, qui, ainsi que nous le verrons plus
loin, amenerait fatalement une decheance de l'art, si elle n'etait
modifiee et retardee par une lente diffusion de la culture generale de
l'esprit et par un relevement graduel de l'ideal artistique.
Toutefois, cette physionomie particuliere de la mise en scene pourrait
etre un obstacle a la reprise future de nos pieces modernes; car ce
qui nous parait aujourd'hui un trait de jeunesse sera un jour une ride
d'autant plus marquee que le trait aura ete plus precis. Toutefois, une
reflexion s'impose, qui nous permet de ne pas tenir grand compte de ce
vieillissement certain: c'est que, dans une oeuvre dramatique, la mise
en scene est la partie essentiellement destructible. Au bout d'un petit
nombre d'annees, les decorations d'une piece et son materiel figuratif
n'existent plus. Par consequent, une reprise necessite une mise en
oeuvre nouvelle, qui devra etre sensiblement differente de la mise en
oeuvre primitive, ainsi que nous le ferons voir plus loin. Ici, il nous
suffira de dire que l'appareil decoratif et figuratif, mis de nouveau
en concordance, d'une part avec la piece, et d'autre part avec le gout
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