qui, tout pedant
qu'il est lui-meme, fera entendre a Trissotin de dures, mais justes
verites. On voit par cet exemple comment la mise en scene conspire
a l'evolution de l'action dramatique, en fondant ses dispositions
quelquefois les plus simples sur la logique rigoureuse qui regit
l'esprit du spectateur.
Il n'est pas jusqu'aux objets non visibles qu'il soit permis de produire
sans preparation et sans precaution. Tous les jours, nous croisons dans
la rue des personnes qui portent un revolver sur elles et auxquelles il
pourrait arriver d'etre en situation de le tirer de leur poche. Sur la
scene, un personnage ne peut impunement tirer a l'improviste un revolver
de sa poche; il faut, ou que le public soit averti de la presence d'une
arme dans la poche de tel personnage, ou que tout au moins il soit
predispose a voir cette arme apparaitre. Il ne serait pas non plus
permis a un personnage de parler d'un pistolet qu'il porte sur lui,
l'occasion meme serait-elle naturelle, si cette arme ne devait point
jouer un role subsequent. Mais ces deux derniers exemples ont trait aux
fautes de mise en scene qui peuvent etre commises, non par la direction
du theatre, mais par l'auteur lui-meme.
Le hasard, en resume, ne peut jamais etre un ressort dramatique, et
la raison en est simple: le mot _hasard_ et le mot _art_ s'excluent
mutuellement, le premier impliquant une rencontre fortuite, le second un
arrangement prealable. Si donc, par impossible, le hasard montait sur la
scene, l'art en descendrait. Il n'y a pas la une question d'appreciation
que des ecoles opposees puissent resoudre differemment. La signification
exacte du mot _art_ entraine necessairement l'idee que nous devons nous
faire d'une oeuvre artistique, dont toutes les parties doivent etre
articulees, et dont le moindre objet doit etre un article necessaire.
Si des personnes pensaient differemment, il faudrait, au prealable,
qu'elles cherchassent d'autres mots qui correspondissent a leurs
manieres de voir. Au theatre, toute peripetie doit avoir ete
anterieurement a l'etat de possibilite, et dans les denouements, par
exemple, le grand art consiste a surprendre le spectateur par un trait
ou un acte final, qu'il a la satisfaction de deduire immediatement ou
du caractere du personnage tel qu'il a ete expose, ou d'une situation
anterieure, operation mentale rapide comme l'eclair et qui est
l'epanouissement du plaisir esthetique.
CHAPITRE XIV
De la sensualite et de l'i
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