es et leur agencement pittoresque
dans les profondeurs de l'espace. Quand il s'agit d'oeuvres theatrales,
la mise en scene devra naturellement varier selon la nature particuliere
de l'imagination du poete.
Scribe, on ne peut le nier, avait une imagination feconde, mais celle-ci
avait un caractere superficiel et etait uniquement theatrale. Pour lui,
le monde exterieur n'etait qu'un decor et les hommes n'etaient que des
comediens. Il n'y avait en quelque sorte aucun lien sympathique entre
son ame et l'ame des etres et des choses. Son regard ne penetre pas plus
profondement que sa pensee; l'un et l'autre s'arretent aux surfaces et
son genie se complait dans les apparences. Aussi serait-ce une faute,
quand il s'agit des oeuvres de Scribe, de detacher l'action sur un decor
trop etudie, trop nature en quelque sorte; il leur faut une decoration
un peu banale, qui ne fasse pas trop illusion, qui soit bien du carton
et du papier peints, et derriere laquelle notre esprit devine la
coulisse. De meme, les acteurs devront craindre de paraitre trop
humains et de trop se rapprocher de la nature, car ils se mettraient
en contradiction avec le genie particulier de l'auteur; ils doivent
s'attacher a rester comediens. Aux yeux de Scribe, l'art est destine a
nous procurer une delectation facile, sans secousse violente; et dans la
representation de ses pieces tout doit conserver ce caractere tempere.
La decoration ne doit exercer sur nos yeux qu'une illusion facile a
s'evaporer, comme ces brillantes bulles de savon qu'un souffle fait
evanouir; de meme, l'action et la diction des acteurs, les peripeties
tristes ou gaies par lesquelles passent les personnages doivent garder
le caractere aimable d'un jeu d'esprit, comme il sied a une societe d'ou
la belle humeur a proscrit les passions troublantes. En un mot, rien ne
doit avoir la pretention d'affecter trop profondement notre ame.
C'est pourquoi il ne faut rien de trop riche dans la decoration, rien
d'inutile dans le materiel figuratif, rien de trop vrai surtout: des
apparences de tableaux, des apparences de pendules, des apparences de
meubles; des costumes sentant le theatre et des accessoires sortant
ostensiblement du magasin. C'est la que les fourchettes piquent des
morceaux chimeriques dans des pates de carton et que les verres ne
s'emplissent que du vide des bouteilles.
Transportons maintenant ces procedes de mise en scene dans un autre
milieu dramatique, dans le theatre de Victor Hugo
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