tions de tristesse ou de joie sont precisement
fondees, dans l'une, sur des causes subjectives, dans l'autre, sur des
causes objectives.
Dans _le Mariage de Victorine_, de George Sand, nous assistons a un
drame emouvant qui se joue dans le coeur d'un pere et dans celui de sa
fille. Celle-ci, sans oser se l'avouer, aime le fils du maitre et
du bienfaiteur de son pere. Celui-ci, qui voit naitre cette aveugle
passion, veut la combattre en mariant sa fille a un des commis de son
maitre. La grandeur d'ame du pere et de la fille, la purete de leur
conscience morale, leur respect pour les hierarchies sociales, le soin
de leur propre dignite, l'estime qu'ils ont d'eux-memes, la fierte qui
releve jusqu'a l'heroisme le sentiment de leur devoir, font un spectacle
poignant et douloureux de la lutte genereuse qui se livre dans le
coeur du pere entre son amour paternel et le respect qu'il a pour son
bienfaiteur, dans le coeur de la fille entre son amour et son affection
filiale. Le drame auquel nous assistons se joue reellement dans ces deux
ames, et la notre en suit les peripeties avec une sympathie douloureuse.
Nous sentons combien sont intimes et subjectives toutes les causes de
leur determination, et combien dans ce drame psychologique sont de peu
de prix tous les attraits du monde exterieur. Rien aux yeux de ce
pere et de cette jeune fille, comme a ceux du spectateur, n'est digne
d'exercer une influence quelconque sur leur resolution morale, ni le
luxe des appartements, ni les richesses qui s'entassent dans les coffres
de banquier, ni la beaute des costumes, rien enfin de ce qui est la
marque de la position plus haute a laquelle leur position plus humble
leur defend d'aspirer. Aussi tout ce qui, dans la decoration et dans la
mise en scene, attirerait les regards a ce point de vue rendrait presque
impossible le denouement que le public attend et desire, et en tous cas
en denaturerait la grandeur morale. La mise en scene doit etre humble,
modeste, presque effacee, pauvre de details, car rien n'y a d'interet
pour nous; les costumes simples et un peu austeres, le jeu des acteurs
contenu, leurs gestes et leur diction sans emphase. Il faut, en un mot,
resserrer l'action, la maintenir et la denouer dans, un milieu purement
moral, sans qu'aucun detail de la mise en scene vienne de sa pointe trop
brillante dechirer le voile de larmes que le drame a fait descendre sur
les regards des spectateurs.
Combien seront differents les effets qu
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