sent ce devoir, c'est a la condition de se resigner a une
perte de gain possible, sacrifice qui trouve sa compensation dans les
subventions de l'Etat. Un directeur privilegie et garanti par l'Etat
contre des pertes trop sensibles a pour devoir de ne pas sacrifier l'art
a un desir de gain immodere. Il doit s'appliquer a mettre en lumiere la
valeur intrinseque des ouvrages qu'il met en scene; a amener a son point
de perfection leur effet representatif, sans permettre qu'il puisse
detourner l'esprit des spectateurs de ce qui doit etre l'objet principal
de son attention. Il doit, en outre, interdire aux comediens de troubler
l'harmonie generale de l'oeuvre en grossissant trop sensiblement l'effet
representatif de leur role. Il doit, en un mot, s'efforcer de meriter
les applaudissements du public, mais se montrer severe sur les moyens de
les lui arracher. C'est son honneur et sa gloire de monter parfois des
oeuvres qui ne soient susceptibles de plaire qu'a un public restreint,
mais delicat et lettre. Car cette elite plus eclairee, que toute nation
possede en elle-meme, est destinee a voir peu a peu grossir ses rangs
par l'adjonction de ceux qu'elevent jusqu'a elle l'instruction et
l'education de jour en jour plus repandues. Travailler pour cette elite,
c'est donc travailler pour tous, c'est conspirer contre l'ignorance et
le mauvais gout, en eveillant les meilleurs instincts de la foule, en la
conviant a la jouissance d'un ideal superieur.
Malheureusement, le devoir qui incombe a un theatre subventionne est
rarement bien compris de la foule. Un grand nombre de spectateurs
s'imaginent qu'une subvention impose au theatre qui la recoit la
preoccupation constante d'une mise en scene luxueuse. Or, c'est
precisement tout le contraire, comme nous l'avons fait voir dans
ce chapitre. Ce qui rend donc difficile la position d'un directeur
subventionne, c'est la necessite de reagir contre ce prejuge de la
foule, sans etre assure que ses intentions seront bien comprises,
et qu'on ne blamera pas tout ce qui, dans sa conduite, meriterait
precisement l'eloge.
CHAPITRE IX
La mise en scene ne doit par pecher par defaut.--De la contention
d'esprit du spectateur.--La mise en scene ne doit pas proposer a
l'esprit de coordinations contradictoires.
Nous avons insiste sur l'accord qui devait regner entre l'effet
representatif d'une oeuvre dramatique et sa valeur intrinseque, et nous
avons surtout montre que tout ce qui s'ajoutait inut
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