auteur
et le metteur en scene ne doivent jamais oublier que, depuis le moment
ou le rideau se leve, jusqu'a celui ou il retombe, ils vont se trouver
aux prises avec la logique inexorable de l'esprit.
Cette necessite ineluctable de ne pas blesser la raison du spectateur,
de ne pas l'induire a de faux jugements, de ne pas l'egarer sur de
fausses pistes, a fait imaginer de classer tout ce qui, en dehors des
acteurs, se rapporte a la mise en scene du drame en deux categories
distinctes, la premiere feinte et immobile, la seconde reelle et mobile.
Tout ce qui doit faire partie de la premiere categorie est peint et fait
corps avec les panneaux decoratifs et avec la toile du fond; tout ce qui
doit etre compris dans la seconde, prend place en realite sur la scene
et compose le materiel figuratif. Les objets de mise en scene de la
premiere categorie n'ont qu'un rapport general avec l'action, tandis que
ceux de la seconde ont avec elle un rapport particulier, plus ou moins
etroit. C'est cette difference qui tout d'abord frappe l'esprit du
spectateur des que la toile se leve et avant meme que l'action commence.
Tout ce que son oeil juge peint et sans realite n'a qu'une influence
generale et faible sur son esprit; il ne lui accorde, avec raison,
qu'une attention de surface. Il n'y a la rien de plus que la
constatation du milieu ou va se derouler la suite des evenements.
Tous les objets qui font corps avec la decoration ne sont que des
caracteristiques de ce milieu, et le spectateur n'est pas entraine a
chercher une relation, qu'il sait devoir etre impossible, entre ces
objets sans realite et un moment quelconque de l'action. Si, par
exemple, une porte est peinte sur un des panneaux, le spectateur sait
bien que personne ne la poussera.
Mais, au contraire, tout ce que son oeil juge reel et voit detache de la
decoration eveille son attention, et il devine un rapport particulier
entre tel ou tel objet et l'action du drame. Ce sera un secretaire, une
bibliotheque, une table chargee de papiers ou un trophee d'armes,
dont la vue determine dans l'esprit soit une possibilite, soit une
probabilite. Le spectateur se trouve ainsi prepare a telle evolution du
drame, a tel acte tragique d'un personnage, a tel denouement. Le drame
commence donc par une entente tacite entre le spectateur et le poete;
celui-ci est certain qu'au moment voulu l'esprit du public prendra telle
direction, appellera et par suite acceptera telle peripetie qui, sans
ce
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