de l'esprit qui
empeche nos regards de percevoir les formes et les couleurs ou nos
oreilles de percevoir les sons, tantot ce sont des images optiques ou
des sons qui s'opposent a toute autre association d'idees.
A cette observation d'ordre physiologique on objectera, qu'en realite
il nous est possible dans le meme moment d'ecouter, de regarder et de
penser. En effet, c'est la le cours perpetuel de la vie; mais, dans ce
cas, les impressions auditives, optiques et intellectuelles doivent
etre assez faibles pour pouvoir etre percues toutes a la fois, car, si
l'equilibre entre ces impressions egalement faibles vient a se rompre,
la loi physiologique s'impose. Nous pouvons donc dire que, pour
etre percues a la fois, des impressions auditives, optiques et
intellectuelles doivent, premierement, etre tres faibles ou avoir un
rapport commun, et, deuxiemement, conserver entre elles la proportion
d'intensite qui leur a permis de se manifester dans le meme moment.
CHAPITRE VI
De la fin que se proposent les beaux-arts.--L'exces de la mise en scene
nuit a l'integrite du plaisir de l'esprit.--La lecture est la pierre
de touche des oeuvres dramatiques.--La mise en scene est tantot une
question de gout, tantot une question d'habilete.
Les arts (et pour plus de simplicite, je ne considererai ici que la
poesie, la peinture et la musique), les arts, dis-je, n'ont d'autre
but que de nous fournir des impressions auditives, optiques et
intellectuelles. Ils se proposent, pour fin unique: la poesie, le
plaisir de l'esprit; la peinture, celui des yeux et la musique celui
de l'oreille. Tant qu'un de ces trois arts borne son ambition a nous
procurer, dans toute son integrite, le plaisir particulier pour lequel
il a ete cree, il se maintient dans la sphere elevee qui lui est propre;
il dechoit des qu'il empiete sur le domaine des deux autres. Telles sont
la musique descriptive et pittoresque, et la peinture spirituelle ou
philosophique, genres batards, auxquels ne se laissent jamais entrainer
les veritables artistes.
Le cas de la poesie est plus complexe, parce que rien ne parvient a
notre esprit que par l'intermediaire oblige de nos organes; mais la
poesie elle-meme dechoit si, au lieu de considerer le plaisir des yeux
et de l'oreille comme subordonne a celui de l'esprit, elle emploie, pour
captiver l'esprit, le prestige de la peinture ou la seduction de la
musique.
La poesie dramatique, que sa nature meme placerait dans une sp
|