is, s'asseyant en silence
dans les taillis, gardiens du mystere, il s'entretenait de longues
heures avec Jean-Jacques ou Grandisson, tandis que les lievres
trottaient amicalement autour de lui et que les grives babillaient
au-dessus de sa tete, comme de bonnes voisines qui se font part de leurs
affaires.
A mesure que les vagues inquietudes de la jeunesse se dirigeaient vers
un but appreciable a l'esprit sinon a la vue du solitaire Andre, sa
tristesse augmentait; mais l'esperance se developpait avec le desir; et
le jeune homme, jusque-la morose et nonchalant, commencait a sentir la
plenitude de la vie. Son pere tirait bon augure de l'activite des jambes
du chasseur, mais il ne prevoyait pas que cette humeur vagabonde aurait
pu changer Andre en hirondelle si la voix d'une femme l'eut appele d'un
bout de la terre a l'autre.
Andre etait donc devenu un marcheur intrepide, sinon un heureux
chasseur. Il ne trouvait pas de solitude assez reculee, pas de lande
assez deserte, pas de colline assez perdue dans les verts horizons,
pour fuir le bruit des metairies et le mouvement des cultivateurs. Afin
d'etre moins trouble dans ses lectures, il faisait chaque jour plusieurs
lieues a travers champs, et la nuit le surprenait souvent avant qu'il
eut songe a reprendre le chemin du logis.
Il y avait a trois lieues du chateau de Morand une gorge inhabitee ou
la riviere coulait silencieusement entre deux marges de la plus riche
verdure. Ce lieu, quoique assez voisin de la petite ville de L...,
n'etait guere frequente que par les bergeronnettes et les merles
d'eau; les terres avoisinantes etaient severement gardees contre
les braconniers et les pecheurs; Andre seul, en qualite de chasseur
inoffensif, ne donnait aucun ombrage au garde et pouvait s'enfoncer a
loisir dans cette solitude Charmante.
[Illustration: Son fusil lui servait de pretexte et de contenance.]
C'est la qu'il avait fait ses plus cheres lectures et ses plus doux
reves. Il y avait evoque les ombres de ses heroines de roman. Les
chastes creations de Walter Scott, Alice, Rebecca, Diana, Catherine,
etaient venues souvent chanter dans les roseaux des choeurs delicieux
qu'interrompait parfois le gemissement douloureux et colere de la petite
Fenella. Du sein des nuages, les soupirs eloignes des vierges hebraiques
de Byron repondaient a ces belles voix de la terre, tandis que la grande
et pale Clarisse, assise sur la mousse, s'entretenait gravement a
l'ecart avec Julie, et
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