'atmosphere et d'habitudes, essayer
toutes les choses inconnues, jeter en dehors l'activite qu'il croyait
sentir en lui, contenter enfin cette avidite vague et febrile qui
exagerait l'avenir a ses yeux.
Mais son pere s'y opposa. Ce joyeux et loyal butor avait sur son fils un
avantage immense, celui de vouloir. Si le savoir eut developpe et dirige
cette faculte chez le marquis de Morand, il fut devenu peut-etre un
caractere eminent; mais, ne dans les jours de l'anarchie, abandonne ou
cache parmi des paysans, il avait ete eleve par eux et comme eux.
La bonne et saine logique dont il etait doue lui avait appris a se
contenter de sa destinee et a s'y renfermer; la force de sa volonte, la
persistance de son energie, l'avaient conduit a en tirer le meilleur
parti possible. Son courage roide et brutal forcait a l'estime sociale
ceux qui, du reste, lui prodiguaient le mepris intellectuel. Son
entetement ferme, et quelquefois revetu d'une certaine dignite
patriarcale, avait rendu les volontes souples autour de lui; et si la
lumiere de l'esprit, qui jaillit de la discussion, demeurait etouffee
par la pratique de ce despotisme paternel, du moins l'ordre et la bonne
harmonie domestique y trouvaient des garanties de duree.
Andre tenait peut-etre de sa mere, qui etait morte jeune et chetive, une
insurmontable langueur de caractere, une inertie triste et molle, un
grand effroi de ces recriminations et de ces lecons dures dont les
hommes peu cultives sont prodigues envers leurs enfants. Il possedait
une sensibilite naive, une tendresse de coeur qui le rendaient craintif
et repentant devant les reproches meme injustes. Il avait toute l'ardeur
de la force pour souhaiter et pour essayer la rebellion, mais il etait
inhabile a la resistance. Sa bonte naturelle l'empechait d'aller en
avant. Il s'arretait pour demander a sa conscience timoree s'il avait
le droit d'agir ainsi, et, durant ce combat, les volontes exterieures
brisaient la sienne. En un mot, le plus grand charme de son naturel
etait son plus grand defaut; la chaine d'airain de sa volonte devait
toujours se briser a cause d'un anneau d'or qui s'y trouvait.
Rien au monde ne pouvait contrarier et meme offenser le marquis de
Morand comme les inclinations studieuses de son fils. Egoiste et
resserre dans sa logique naturelle, il s'etait dit que les vieux sont
faits pour gouverner les jeunes, et que rien ne nuit plus a la surete
des gouvernements que l'esprit d'examen. S'il avait ac
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