ous les reves dores que l'esperance nous fait
entrevoir. Vous voir reunis autour de ma table, me rappelle une epoque
bien eloignee, et cependant a peu pres analogue.
Nous etions nous aussi, mes compagnons d'ecole et moi, autour de la
table d'un professeur, qui avait autant de plaisir a nous recevoir que
j'en eprouve aujourd'hui. Helas! j'etais cette soiree-la bien gai, bien
joyeux, et me doutais guere qu'elle aurait une si grande influence sur
le reste de ma vie.
Si je croyais que cette histoire put vous interesser, je vous en
raconterais une partie et la terminerais par la lecture d'un manuscrit,
ecrit dans toute l'amertume du repentir par l'auteur meme d'un drame
terrible de jalousie et de vengeance.
Des bravos enthousiastes accueillirent cette proposition ou plutot cette
bonne aubaine. Les verres se remplirent les pipes s'allumerent et ce fut
avec un religieux silence que nous ecoutames le palpitant recit qui va
suivre:
Il y a au dela de soixante ans que quelques amis et moi avions forme le
meme projet que vous executez, d'aller revoir notre ancien professeur.
C'etait un bon vieux cure qu'on appelait monsieur Fameux. Il habitait un
village qui se trouvait presque sur la lisiere des bois. Rien ne pouvait
d'ailleurs mieux nous convenir. Nous avions decide dans notre reunion,
d'aller faire une partie de chasse et de peche aupres d'un lac qui se
trouvait a quelques dix lieues dans les grands bois, et nous n'avions
qu'un faible detour a faire pour aller lui serrer la main. Outre le
plaisir que nous eprouvions d'avance a revoir ce bon vieux pere, nous
esperions pouvoir nous procurer des guides qu'il nous ferait connaitre
parmi les chasseurs et trappeurs de sa mission. Bien que l'heure du soir
fut avancee, nous nous dirigeames vers le presbytere, et ce fut en nous
pressant dans ses bras que monsieur Fameux nous recut. Jamais nous ne
pouvions arriver plus a propos, car il nous annonca au reveillon que
lui-meme partait le lendemain matin pour aller explorer des terres
aupres du meme lac, qu'on lui avait dit etre tres fertile, et ou il
avait intention d'aller fonder une colonie. Puis, ouvrant la porte de
sa cuisine, il nous montra quatre vigoureux gaillards etendus sur le
parquet, la tete sur leurs havre-sacs et faisant un bruit par leurs
ronflements capable de reveiller les morts. Voila nos guides,
ajouta-t-il.
Enfin, apres une intime causerie, nous recitames la priere et nous nous
etendimes sur des lits de camp; p
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