l'enflure causee par les
piqures des mouches, nous arrivames sous la direction de Baptiste dans
une charmante erabliere ou le bruit d'une forte chute d'eau se faisait
entendre. C'etait l'oasis desiree. Des hourras frenetiques la saluerent.
Nous allions nous elancer dans la direction de la chute, lorsqu'un
sifflement aigue et un signe energique de Baptiste qui se tenait
immobile au milieu du sentier, nous arreta. Il nous montrait du doigt
une magnifique famille de perdrix branchees sur un arbre du voisinage.
Elles semblaient etre venues s'offrir intentionnellement comme le menu
du repas, aussi n'en fimes nous pas fi. Quatre a cinq coups de feu
jeterent a nos pieds la bande emplumee. De grands battements de mains de
la part de monsieur Fameux et des spectateurs furent la couronne de
ce bel exploit. Notez que nous avions tire les perdrix presqu'a bout
portant.
La joie augmenta encore lorsqu'un de nos guides, qui etait reste en
arriere, arriva avec quatre beaux lievres qu'il avait rencontres;
mais elle devint delirante quand nous apercumes bouillonner l'eau des
cascades dont nous n'etions plus eloigne que de quelques pas.
Une minute plus tard, nous etions sur les bords de la riviere et aux
pieds d'une des chutes les plus pittoresques qu'on puisse contempler.
Le spectacle etait beau, grandiose, et bien digne eut-il ete le seul
de nous faire oublier les tourments de la soif et de la faim que nous
avions endures, mais ventre affame n'a pas d'oreilles, c'etait le temps
ou jamais de le dire, car ce qui nous rejouit le plus et nous mit en
belle humeur, ce fut lorsque des feux furent allumes et que les marmites
commencerent a bouillir. Pendant ce temps, tout le monde etait a
l'oeuvre. Les uns ecorchaient les lievres, d'autres preparaient les
perdrix, on decoupaient des tranches de lard et de jambon; quelques-uns
enfin buchaient le bois, tandis que Baptiste confectionnait les
assiettes avec des ecorces de bouleau et faisait des micoines, des
fourchettes de bois, bref enfin, tout le monde ainsi a l'oeuvre fit
merveille, et une demi-heure apres, le bruit des machoires eut domine
celui des meules des plus assourdissants moulins. Il y a de cela bien
pres de soixante ans et je ne crains pas de repeter aujourd'hui a la
face du monde que jamais repas fut mieux cuit et mieux assaisonne avec
plus grande sauce de l'appetit, que celui que nous primes on plutot
devorames au pied de la chute de la decharge du Lac a la Truite. Enfin
les app
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