En meme temps, les flammes commencerent a s'elever, vinrent doucement
lecher les pieds nus des condamnes, comme pour gouter a la proie qui
leur etait offerte. Et, l'ayant trouvee a leur gout, elle s'eleverent
davantage encore, enlacerent les victimes, les etreignirent, les
happerent.
--Horrible! horrible! murmura le Torero en portant sa main devant ses
yeux. Quel crime a donc commis ce malheureux?
--Il a commis le crime que tu reves de commettre!... le crime pour
lequel tu seras condamne comme lui, execute comme lui... si je n'arrive
a te persuader.
--Quel crime? repeta machinalement le Torero.
--Il a entretenu des relations avec une heretique qu'il a epousee.
--Oh! je comprends!... la Giralda! la bohemienne!...
Mais la Giralda est catholique!
--Elle est bohemienne, dit rudement Fausta, elle est heretique...
--Elle a ete baptisee, se debattit le Torero.
--Qu'elle montre son acte de bapteme... elle ne le pourra. Et, le
put-elle, elle a vecu en heretique, cela suffit, te dis-je, et, toi qui
reves d'unir ton sort au sien, tu seras traite comme celui-ci.
--Quel est donc l'infame qui impose de telles lois?
--Ton pere.
--Mon pere! encore! Mais qui est donc ce tigre altere de sang que la
nature maudite me donna pour pere?
Comme il disait ces mots, il se fit un grand tapage au balcon d'un des
somptueux palais bordant la place. Ce balcon, comme celui de
Fausta, etait reste, jusque-la, inoccupe. Et voila que les larges
portes-fenetres, donnant acces au balcon, venaient de s'ouvrir toutes
grandes, et une foule de seigneurs, de noble dames, de pretres et de
moines se montraient par les baies.
Un fauteuil unique fut traine sur le balcon et un personnage, devant qui
tous les autres s'effacaient, parut sur le balcon, s'assit paisiblement,
tandis que tous les assistants, restes a l'interieur, se groupaient
derriere le fauteuil. Et le personnage, le menton dans la paume de la
main, le coude sur le bras du fauteuil, laissa errer distraitement sur
le bucher embrase et sur la foule hurlante un regard froid et acere.
En reponse au cri de revolte et de fureur du Torero, Fausta s'approcha
de lui jusqu'a le toucher, et, la face etincelante, le dominant du
regard, imperieuse et fatale, elle lui jeta en plein visage, d'une voix
tonnante:
--Ton pere!... Tu veux savoir qui est ton pere?...
Le Torero eut l'intuition rapide d'une revelation formidable, et,
affole, il begaya:
--Oh!... Qu'allez-vous m'apprendr
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