uelques details,
necessaires pour expliquer les choses, vous donneront en meme temps
une idee de notre heroine.
Apres avoir ete l'enfant le plus turbulent, studieux, maladif et entete
qu'il y eut au monde, Emmeline etait devenue, a quinze ans, une jeune
fille au teint blanc et rose, grande, elancee, et d'un caractere
independant. Elle avait l'humeur d'une egalite incomparable et une
grande insouciance, ne montrant de volonte qu'en ce qui touchait son
coeur. Elle ne connaissait aucune contrainte; toujours seule dans son
cabinet, elle n'avait guere, pour le travail, d'autre regle que son bon
plaisir. Sa mere, qui la connaissait et savait l'aimer, avait exige pour
elle cette liberte dans laquelle il y avait quelque compensation au
manque de direction; car un gout naturel de l'etude et l'ardeur de
l'intelligence sont les meilleurs maitres pour les esprits bien nes. Il
entrait autant de serieux que de gaiete dans celui d'Emmeline; mais son
age rendait cette derniere qualite plus saillante. Avec beaucoup de
penchant a la reflexion, elle coupait court aux plus graves meditations
par une plaisanterie, et des lors n'envisageait plus que le cote comique
de son sujet. On l'entendait rire aux eclats toute seule, et il lui
arrivait, au couvent, de reveiller sa voisine, au milieu de la nuit, par
sa gaiete bruyante.
Son imagination tres flexible paraissait susceptible d'une teinte
d'enthousiasme; elle passait ses journees a dessiner ou a ecrire; si un
air de son gout lui venait en tete, elle quittait tout aussitot pour se
mettre au piano, et se jouer cent fois l'air favori dans tous les tons;
elle etait discrete et nullement confiante, n'avait point d'epanchement
d'amitie, une sorte de pudeur s'opposant en elle a l'expression parlee de
ses sentiments. Elle aimait a resoudre elle-meme les petits problemes qui,
dans ce monde, s'offrent a chaque pas; elle se donnait ainsi des plaisirs
assez etranges que, certes, les gens qui l'entouraient ne soupconnaient
pas. Mais sa curiosite avait toujours pour bornes un certain respect
d'elle-meme; en voici un exemple entre autres.
Elle etudiait toute la journee dans une salle ou se trouvait une grande
bibliotheque vitree, contenant trois mille volumes environ. La clef etait
a la serrure, mais Emmeline avait promis de ne point y toucher. Elle
garda toujours scrupuleusement sa promesse, et il y avait quelque merite
dans cette conduite, car elle avait la rage de tout apprendre. Ce qui
n'etait pas
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