ues de Paris,
ne regarde une jolie femme quand il la rencontre? Emmeline ne s'etait
jamais guere occupee de lui, sinon pour veiller a ce qu'il ne manquat de
rien chez elle. Il lui etait indifferent, mais l'observation de sa tante
le lui fit secretement hair malgre elle. Le hasard voulut qu'en rentrant
du bois elle vit precisement dans la cour une voiture qu'elle reconnut
pour celle de M. de Sorgues. Il se presenta un instant apres, temoignant
le regret d'arriver trop tard de la campagne ou il avait passe l'ete,
et de ne plus trouver M. de Marsan. Soit etonnement, soit repugnance,
Emmeline ne put cacher quelque emotion en le voyant; elle rougit, et il
s'en apercut.
Comme M. de Sorgues etait abonne a l'Opera, et qu'il avait entretenu deux
ou trois figurantes, a cent ecus par mois, il se croyait homme a bonnes
fortunes, et oblige d'en soutenir le role. En allant diner, il voulut
savoir jusqu'a quel point il avait ebloui, et serra la main de madame de
Marsan. Elle frissonna de la tete aux pieds, tant l'impression lui fut
nouvelle; il n'en fallait pas tant pour rendre un fat ivre d'orgueil.
Il fut decide par la tante, un mois durant, que M. de Sorgues etait
l'_adorateur_; c'etait un sujet intarissable d'antiques fadaises et de
mots a double entente qu'Emmeline supportait avec peine, mais auxquels
son bon naturel la forcait de se plier. Dire par quels motifs la vieille
marquise trouvait l'adorateur aimable, par quels autres motifs il lui
plaisait moins, c'est malheureusement ou heureusement une chose impossible
a ecrire et impossible a deviner. Mais on peut aisement supposer l'effet
que produisaient sur Emmeline de pareilles idees, accompagnees, bien
entendu, d'exemples tires de l'histoire moderne, et de tous les principes
des gens bien eleves qui font l'amour comme des maitres de danse. Je
crois que c'est dans un livre aussi dangereux que les liaisons dont parle
son titre, que se trouve une remarque dont on ne connait pas assez la
profondeur: "Rien ne corrompt plus vite une jeune femme, y est-il dit,
que de croire corrompus ceux qu'elle doit respecter." Les propos de
madame d'Ennery eveillaient dans l'ame de sa niece un sentiment d'une
autre nature.--Qui suis-je donc, se disait-elle, si le monde est ainsi?
La pensee de son mari absent la tourmentait; elle aurait voulu le trouver
pres d'elle lorsqu'elle revait au coin du feu; elle eut du moins pu le
consulter, lui demander la verite; il devait la savoir, puisqu'il etait
ho
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