menechmes femelles. Ne vous
effrayez pas de ce mot; il n'y aura pas de quiproquo dans ce conte.
Avant d'en dire plus de ces dames, il faut parler de notre heros. Vers
1825 environ, vivait a Paris un jeune homme que nous appellerons Valentin.
C'etait un garcon assez singulier, et dont l'etrange maniere de vivre
aurait pu fournir quelque matiere aux philosophes qui etudient l'homme.
Il y avait, en lui, pour ainsi dire, deux personnages differents. Vous
l'eussiez pris, en le rencontrant un jour, pour un petit maitre de la
Regence. Son ton leger, son chapeau de travers, son air d'enfant prodigue
en joyeuse humeur, vous eussent fait revenir en memoire quelque _talon
rouge_ du temps passe. Le jour suivant, vous n'auriez vu en lui qu'un
modeste etudiant de province se promenant un livre sous le bras.
Aujourd'hui il roulait carrosse et jetait l'argent par les fenetres;
demain il allait diner a quarante sous. Avec cela, il recherchait en toute
chose une sorte de perfection et ne goutait rien qui fut incomplet. Quand
il s'agissait de plaisir, il voulait que tout fut plaisir, et n'etait pas
homme a acheter une jouissance par un moment d'ennui. S'il avait une loge
au spectacle, il voulait que la voiture qui l'y menait fut douce, que le
diner eut ete bon, et qu'aucune idee facheuse ne put se presenter en
sortant. Mais il buvait de bon coeur la piquette dans un cabaret de
campagne, et se mettait a la queue pour aller au parterre. C'etait alors
un autre element, et il n'y faisait pas le difficile; mais il gardait dans
ses bizarreries une sorte de logique, et s'il y avait en lui deux hommes
divers, ils ne se confondaient jamais.
Ce caractere etrange provenait de deux causes: peu de fortune et un grand
amour du plaisir. La famille de Valentin jouissait de quelque aisance,
mais il n'y avait rien de plus dans la maison qu'une honnete mediocrite.
Une douzaine de mille francs par an depenses avec ordre et economie, ce
n'est pas de quoi mourir de faim; mais quand une famille entiere vit
la-dessus, ce n'est pas de quoi donner des fetes. Toutefois, par un
caprice du hasard, Valentin etait ne avec des gouts que peut avoir le fils
d'un grand seigneur. A pere avare, dit-on, fils prodigue; a parents
economes, enfants depensiers. Ainsi le veut la Providence, que cependant
tout le monde admire.
Valentin avait fait son droit, et etait avocat sans causes, profession
commune aujourd'hui. Avec l'argent qu'il avait de son pere et celui qu'il
gagnai
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