mille_; il demanda si le matin meme on
n'avait pas vendu a une dame un coussin en tapisserie qu'il designa et
qu'on reconnut. Aux questions qu'il fit ensuite pour savoir qui avait fait
ce coussin et d'ou il venait, on ne repondit qu'avec restriction: on ne
connaissait pas l'ouvriere; il y avait dans le magasin beaucoup d'objets
de ce genre; enfin on ne voulait rien dire.
Malgre les reticences, Valentin eut bientot saisi, dans les reponses du
garcon qu'il interrogeait, un mystere qu'il ne soupconnait pas et que bien
d'autres que lui ignorent: c'est qu'il y a a Paris un grand nombre de
femmes, de demoiselles pauvres, qui, tout en ayant dans le monde un rang
convenable et quelquefois distingue, travaillent en secret pour vivre.
Les marchands emploient ainsi, et a bon marche, des ouvrieres habiles;
mainte famille, vivant sobrement, chez qui pourtant on va prendre le the,
se soutient par les filles de la maison; on les voit sans cesse tenant
l'aiguille, mais elles ne sont pas assez riches pour porter ce qu'elles
font; quand elles ont brode du tulle, elles le vendent pour acheter de la
percale: celle-la, fille de nobles aieux, fiere de son titre et de sa
naissance, marque des mouchoirs; celle-ci, que vous admirez au bal, si
enjouee, si coquette et si legere, fait des fleurs artificielles et paye
de son travail le pain de sa mere; telle autre, un peu plus riche, cherche
a gagner de quoi ajouter a sa toilette; ces chapeaux tout faits, ces
sachets brodes qu'on voit aux etalages des boutiques, et que le passant
marchande par desoeuvrement, sont l'oeuvre secrete, quelquefois pieuse,
d'une main inconnue. Peu d'hommes consentiraient a ce metier, ils
resteraient pauvres par orgueil en pareil cas; peu de femmes s'y refusent,
quand elles en ont besoin, et de celles qui le font, aucune n'en rougit.
Il arrive qu'une jeune femme rencontre une amie d'enfance qui n'est pas
riche et qui a besoin de quelque argent; faute de pouvoir lui en preter
elle-meme, elle lui dit sa ressource, l'encourage, lui cite des exemples,
la mene chez le marchand, lui fait une petite clientele; trois mois apres,
l'amie est a son aise et rend a une autre le meme service. Ces sortes de
choses se passent tous les jours; personne n'en sait rien, et c'est pour
le mieux; car les bavards qui rougissent du travail trouveraient bientot
le moyen de deshonorer ce qu'il y a au monde de plus honorable.
--Combien de temps, demanda Valentin, faut-il a peu pres pour faire un
c
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