fort sage, n'allait point, disait-on, au pavillon. On y voyait pourtant
quelquefois de la lumiere. Compagnie excellente, diners a l'avenant,
fringants equipages, nombreux domestiques, en un mot, grand bruit de bon
ton, voila la maison de la marquise. D'ailleurs une education achevee lui
avait donne mille talents; avec tout ce qu'il faut pour plaire sans
esprit, elle trouvait moyen d'en avoir; une indispensable tante la menait
partout; quand on parlait de son mari, elle disait qu'il allait revenir;
personne ne pensait a medire d'elle.
Madame Delaunay (c'est la veuve) avait perdu son mari fort jeune; elle
vivait avec sa mere d'une modique pension obtenue a grand'peine, et a
grand'peine suffisante. C'etait a un troisieme etage qu'il fallait monter,
rue du Plat-d'Etain, pour la trouver brodant a sa fenetre; c'etait tout
ce qu'elle savait faire; son education, vous le voyez, avait ete fort
negligee. Un petit salon etait tout son domaine; a l'heure du diner, on y
roulait la table de noyer, releguee durant le jour dans l'antichambre.
Le soir, une armoire a alcove s'ouvrait, contenant deux lits. Du reste,
une proprete soigneuse entretenait le modeste ameublement. Au milieu de
tout cela, madame Delaunay aimait le monde. Quelques anciens amis de son
mari donnaient de petites soirees ou elle allait, paree d'une fraiche robe
d'organdi. Comme les gens sans fortune n'ont pas de saison, ces petites
fetes duraient toute l'annee. Etre pauvre, jeune, belle et honnete, ce
n'est pas un merite si rare qu'on le dit, mais c'est un merite.
Quand je vous ai annonce que mon Valentin aimait ces deux femmes, je n'ai
pas pretendu declarer qu'il les aimat egalement toutes deux. Je pourrais
me tirer d'affaire en vous disant qu'il aimait l'une et desirait l'autre;
mais je ne veux point chercher ces finesses, qui, apres tout, ne
signifieraient rien, sinon qu'il les desirait toutes deux. J'aime mieux
vous raconter simplement ce qui se passait dans son coeur.
Ce qui le fit d'abord aller souvent dans ces deux maisons, ce fut un assez
vilain motif, l'absence de maris dans l'une et dans l'autre. Il n'est que
trop vrai qu'une apparence de facilite, quand bien meme elle n'est qu'une
apparence, seduit les jeunes tetes. Valentin etait recu chez madame de
Parnes parce qu'elle voyait beaucoup de monde, sans autre raison;
un ami l'avait presente. Pour aller chez madame Delaunay, qui ne recevait
personne, ce n'avait pas ete aussi aise. Il l'avait rencontree a
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