inquiet, il eut
peur de l'avoir blessee; il ne pouvait se decider a s'en aller, et restait
debout, attendant qu'elle revint. Ce fut la mere qui reparut, et il
craignit, en la voyant, que son imprudence ne lui coutat cher; il n'en fut
rien: la bonne dame, de l'air le plus riant, venait lui tenir compagnie
pendant que sa fille repassait sa robe pour aller le soir a son petit bal.
Il voulut attendre encore quelque temps, esperant toujours que la belle
boudeuse allait pardonner: mais la robe etait, a ce qu'il parait, fort
ample; le temps de se retirer arriva, et il fallut partir sans connaitre
son sort.
Rentre chez lui, notre etourdi ne se trouva pourtant pas trop mecontent de
sa journee. Il repassa peu a peu dans sa tete toutes les circonstances de
ses deux visites; comme un chasseur qui a lance le cerf, et qui calcule
ses embuscades, ainsi l'amoureux calcule ses chances et raisonne sa
fantaisie. La modestie n'etait pas le defaut de Valentin. Il commenca par
convenir avec lui-meme que la marquise lui appartenait. En effet,
il n'y avait eu de la part de madame de Parnes ombre de severite ni de
resistance. Il fit cependant reflexion que, par cette raison meme, il
pouvait bien n'y avoir eu qu'une ombre legere de coquetterie. Il y a de
tres belles dames de par le monde qui se laissent baiser la main, comme le
pape laisse baiser sa mule: c'est une formalite charitable; tant mieux
pour ceux qu'elle mene en paradis. Valentin se dit que la pruderie de la
veuve promettait peut-etre plus, au fond, que le laisser-aller de la
marquise. Madame Delaunay apres tout, n'avait pas ete bien rigide. Elle
avait doucement retire sa main, et s'en etait allee repasser sa robe. En
pensant a cette robe, Valentin pensa au petit bal: c'etait le soir meme;
il se promit d'y aller.
Tout en se promenant par la chambre, et tout en faisant sa toilette, son
imagination s'exaltait. C'etait la veuve qu'il allait voir, c'etait a elle
qu'il songeait. Il vit sur sa table un petit portefeuille assez laid,
qu'il avait gagne dans une loterie. Sur la couverture de ce portefeuille
etait un mechant paysage a l'aquarelle, sous verre, et assez bien monte.
Il remplaca adroitement ce paysage par le portrait de madame de Parnes;
je me trompe, je veux dire de madame Delaunay. Cela fait, il mit ce
portefeuille en poche, se promettant de le tirer a propos et de le faire
voir a sa future conquete.--Que dira-t-elle? se demanda-t-il. Et que
repondrai-je? se demanda-t-il encor
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