ie; mais il y en avait
si peu que rien, assez pourtant pour denoter une femme. Elle retourna deux
ou trois fois le mouchoir, l'approcha timidement de son nez, le regarda
encore, puis le jeta a Valentin en lui disant:--Vous vous etes trompe; ce
que vous me rendez la appartient a quelque femme de chambre de votre mere.
Valentin, qui avait emporte par megarde le mouchoir de madame Delaunay, le
reconnut et se sentit battre le coeur.--Pourquoi a une femme de chambre?
repondit-il. Mais la marquise s'etait remise au piano; peu lui importait
une rivale qui se mouchait dans de la grosse toile. Elle reprit le
_presto_ de sa valse, et fit semblant de n'avoir pas entendu.
Cette indifference piqua Valentin. Il fit un tour de chambre et prit son
chapeau.
--Ou allez-vous donc? demanda madame de Parnes.
--Chez ma mere, rendre a sa femme de chambre le mouchoir qu'elle m'a
prete.
--Vous verra-t-on demain? nous avons un peu de musique, et vous me ferez
plaisir de venir diner.
--Non; j'ai affaire toute la journee.
Il continuait a se promener, et ne se decidait pas a sortir. La marquise
se leva et vint a lui.
--Vous etes un singulier homme, lui dit-elle; vous voudriez me voir
jalouse.
--Moi? pas du tout. La jalousie est un sentiment que je deteste.
--Pourquoi donc vous fachez-vous de ce que je trouve a ce mouchoir un air
d'antichambre? Est-ce ma faute, ou la votre?
--Je ne m'en fache point, je le trouve tout simple.
En parlant ainsi, il tournait le dos. Madame de Parnes s'avanca doucement,
se saisit du mouchoir de madame Delaunay, et, s'approchant d'une fenetre
ouverte, le jeta dans la rue.
--Que faites-vous? s'ecria Valentin. Et il s'elanca pour la retenir; mais
il etait trop tard.
--Je veux savoir, dit en riant la marquise, jusqu'a quel point vous y
tenez, et je suis curieuse de voir si vous descendrez le chercher.
Valentin hesita un instant, et rougit de depit. Il eut voulu punir la
marquise par quelque reponse piquante; mais, comme il arrive souvent, la
colere lui otait l'esprit. Madame de Parnes se mit a rire de plus belle.
Il enfonca son chapeau sur sa tete, et sortit en disant: Je vais le
chercher.
Il chercha en effet longtemps; mais un mouchoir perdu est bientot ramasse,
et ce fut vainement qu'il revint dix fois d'une borne a une autre. La
marquise a sa fenetre riait toujours en le regardant faire. Fatigue enfin,
et un peu honteux, il s'eloigna sans lever la tete, feignant de ne pas
s'apercevoir
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