me sa mere n'est jamais mechant." Quand
Valentin regagnait le logis, apres quelque folle equipee, trainant l'aile
et tirant le pied, sa mere arrivait et le consolait. Qui pourrait compter
les soins patients, les attentions en apparence faciles, les petites joies
interieures, par lesquels l'amitie se prouve en silence, et rend la vie
douce et legere? J'en veux citer un exemple en passant.
Un jour que l'etourdi garcon avait vide sa bourse au jeu, il venait de
rentrer de mauvaise humeur. Les coudes sur sa table, la tete dans ses
mains, il se livrait a ses idees sombres. Sa mere entra, tenant un gros
bouquet de roses dans un verre d'eau, qu'elle posa doucement sur la table,
a cote de lui. Il leva les yeux pour la remercier, et elle lui dit en
souriant: Il y en a pour quatre sous. Ce n'etait pas cher, comme vous
voyez; cependant le bouquet etait superbe. Valentin, reste seul, sentit
le parfum frapper son cerveau excite. Je ne saurais vous dire quelle
impression produisit sur lui une si douce jouissance, si facilement venue,
si inopinement apportee; il pensa a la somme qu'il avait perdue, il se
demanda ce qu'en aurait pu faire la main maternelle qui le consolait a si
bon marche. Son coeur gonfle se fondit en larmes, et il se souvint des
plaisirs du pauvre qu'il venait d'oublier.
Ces plaisirs du pauvre lui devinrent chers, a mesure qu'il les connut
mieux. Il les aima parce qu'il aimait sa mere; il regarda peu a peu autour
de lui, et ayant un peu essaye de tout, il se trouva capable de tout
sentir. Est-ce un avantage? Je n'en puis rien dire encore. Chance de
jouissance, chance de souffrance. J'aurai l'air de faire une plaisanterie
si je vous dis qu'en avancant dans la vie, Valentin devint a la fois
plus sage et plus fou; c'est pourtant la verite pure. Une double existence
se developpait en lui. Si son esprit avide l'entrainait, son coeur le
retenait au logis. S'enfermait-il, decide au repos, un orgue de Barbarie,
jouant une valse, passait sous la fenetre et derangeait tout. Sortait-il
alors, et, selon sa coutume, courait-il apres le plaisir, un mendiant
rencontre en route, un mot touchant trouve par hasard dans le fatras d'un
drame a la mode, le rendaient pensif, et il retournait chez lui.
Prenait-il la plume, et s'asseyait-il pour travailler, sa plume distraite
esquissait sur les marges d'un dossier la silhouette d'une jolie femme
qu'il avait rencontree au bal. Une bande joyeuse, reunie chez un ami,
l'invitait-elle a rester
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