s, tantot a la campagne, on le
rencontrait avec son fracas, presque toujours seul, preuve que ce n'etait
pas vanite de sa part. D'ailleurs il faisait ses extravagances avec la
simplicite d'un grand seigneur qui se passe un caprice. Voila un bon
commis! direz-vous; aussi le mit-on a la porte.
Avec la liberte et l'oisivete revinrent des tentations de toute espece.
Quand on a beaucoup de desirs, beaucoup de jeunesse et peu d'argent, on
court grand risque de faire des sottises. Valentin en fit d'assez grandes.
Toujours pousse par sa manie de changer des reves en realite, il en vint a
faire les plus dangereux reves. Il lui passait, je suppose, par la tete de
se rendre compte de ce que peut etre la vie d'un tel qui a cent mille
francs a manger par an. Voila mon etourdi qui, toute une journee, n'en
agissait ni plus ni moins que s'il eut ete le personnage en question.
Jugez ou cela peut conduire avec un peu d'intelligence et de curiosite.
Le raisonnement de Valentin sur sa maniere de vivre etait, du reste,
assez plaisant. Il pretendait qu'a chaque creature vivante revient de
droit une certaine somme de jouissance; il comparait cette somme a une
coupe pleine que les economes vident goutte a goutte, et qu'il buvait,
lui, a grands traits.--Je ne compte pas les jours, disait-il, mais
les plaisirs; et le jour ou je depense vingt-cinq louis, j'ai cent
quatre-vingt-deux mille cinq cents livres de rente. Au milieu de toutes
ces folies, Valentin avait dans le coeur un sentiment qui devait le
preserver, c'etait son affection pour sa mere. Sa mere, il est vrai,
l'avait toujours gate; c'est un tort, dit-on, je n'en sais rien; mais,
en tout cas, c'est le meilleur et le plus naturel des torts. L'excellente
femme qui avait donne la vie a Valentin fit tout au monde pour la lui
rendre douce. Elle n'etait pas riche, comme vous savez. Si tous les petits
ecus glisses en cachette dans la main de l'enfant cheri s'etaient trouves
tout a coup rassembles, ils auraient pourtant fait une belle pile.
Valentin, dans tous ses desordres, n'eut jamais d'autre frein que l'idee
de ne pas rapporter un chagrin a sa mere; mais cette idee le suivait
partout. D'un autre cote, cette affection salutaire ouvrait son coeur a
toutes les bonnes pensees, a tous les sentiments honnetes. C'etait pour
lui la clef d'un monde qu'il n'eut peut etre pas compris sans cela. Je ne
sais qui a dit le premier qu'un etre aime n'est jamais malheureux; celui
la eut pu dire encore: "Qui ai
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