ir, dit le comte.--Il se leva et s'en fut sans
en dire plus; mais le soir meme il revint chez sa femme, et son visage
etait moins severe.
Ces deux jours avaient tellement fatigue Emmeline, qu'elle etait d'une
paleur effrayante. M. de Marsan ne put, en le remarquant, se defendre
d'un mouvement de compassion.
--Eh bien! ma chere! dit-il, qu'avez-vous?
--Je pense, repondit-elle, et je vois que rien n'est possible.
--Vous l'aimez donc beaucoup? demanda-t-il.
Malgre l'air froid qu'il affectait, Emmeline vit dans cette question un
mouvement de jalousie. Elle crut que la demarche de son mari pouvait bien
n'etre qu'une tentative de se rapprocher d'elle, et cette idee lui fut
penible. Tous les hommes sont ainsi, pensa-t-elle; ils meprisent ce
qu'ils possedent, et reviennent avec ardeur a ce qu'ils ont perdu par
leur faute. Elle voulut savoir jusqu'a quel point elle devinait juste, et
repondit d'un ton hautain:
--Oui, monsieur, je l'aime, et la-dessus, du moins, je ne mentirai pas.
--Je concois cela, reprit M. de Marsan, et j'aurais mauvaise grace a
vouloir lutter ici contre personne; je n'en ai ni le moyen ni l'envie.
Emmeline vit qu'elle s'etait trompee; elle voulait parler et ne trouvait
rien. Que repondre, en effet, a la facon d'agir du comte? Il avait devine
clairement ce qui s'etait passe, et le parti qu'il avait pris etait juste
sans etre cruel. Elle commencait une phrase et ne pouvait l'achever; elle
pleurait. M. de Marsan lui dit avec douceur:
--Calmez-vous, songez que vous avez commis une faute, mais que vous avez
un ami qui la sait, et qui vous aidera a la reparer.
--Que ferait donc cet ami, dit Emmeline, s'il etait aussi riche que moi,
puisque cette miserable question de fortune le decide a me quitter? Que
feriez-vous si notre contrat n'existait pas?
Emmeline se leva, alla a son secretaire, en tira son contrat de mariage,
et le brula a la bougie qui etait sur la table. Le comte la regarda faire
jusqu'au bout.
--Je vous comprends, lui dit-il enfin; et, bien que ce que vous venez de
faire soit une action sans consequence, puisque le double est chez le
notaire, cette action vous honore, et je vous en remercie. Mais songez
donc, ajouta-t-il en embrassant Emmeline, songez donc que, s'il ne
s'agissait ici que d'une formalite a annuler, je n'aurais fait qu'abuser
de mes avantages. Vous pouvez d'un trait de plume me rendre aussi riche
que vous, je le sais, mais je n'y consentirais pas, et aujourd'hui
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