! repondait-elle, c'est un effet
nerveux; ne croyez-vous pas que j'en suis reconnaissante? Je conviens que
ma chute est ridicule, mais je trouve, ajouta-t-elle assez sechement, je
trouve que votre peur l'est davantage.
Gilbert fit quelques tours de chambre, et la contredanse d'Emmeline
devenait moins gaie d'instant en instant. Elle sentait qu'en voulant le
railler, elle l'avait blesse. Il etait trop emu pour pouvoir parler. Il
revint s'appuyer au meme endroit, devant elle; ses yeux gonfles ne purent
retenir quelques larmes; Emmeline se leva aussitot et fut s'asseoir au
fond de la chambre, dans un coin obscur. Il s'approcha d'elle et lui
reprocha sa durete. C'etait le tour de la comtesse a ne pouvoir repondre.
Elle restait muette et dans un etat d'agitation impossible a peindre; il
prit son chapeau pour sortir, et, ne pouvant s'y decider, s'assit pres
d'elle; elle se detourna et etendit le bras comme pour lui faire signe
de partir; il la saisit et la serra sur son coeur. Au meme instant on
sonna a la porte, et Emmeline se jeta dans un cabinet.
Le pauvre garcon ne s'apercut le lendemain qu'il allait chez madame de
Marsan qu'au moment ou il y arrivait. L'experience lui faisait craindre
de la trouver severe et offensee de ce qui s'etait passe. Il se trompait,
il la trouva calme et indulgente, et le premier mot de la comtesse fut
qu'elle l'attendait. Mais elle lui annonca fermement qu'il leur fallait
cesser de se voir--Je ne me repens pas, lui dit-elle, de la faute que
j'ai commise, et je ne cherche a m'abuser sur rien. Mais, quoi que je
puisse vous faire souffrir et souffrir moi-meme, M. de Marsan est entre
nous; je ne puis mentir; oubliez-moi.
Gilbert fut atterre par cette franchise, dont l'accent persuasif ne
permettait aucun doute. Il dedaignait les phrases vulgaires et les vaines
menaces de mort qui arrivent toujours en pareil cas; il tenta d'etre
aussi courageux que la comtesse, et de lui prouver du moins par la quelle
estime il avait pour elle. Il lui repondit qu'il obeirait et qu'il
quitterait Paris pour quelque temps; elle lui demanda ou il comptait
aller, et lui promit de lui ecrire. Elle voulut qu'il la connut tout
entiere, et lui raconta en quelques mots l'histoire de sa vie, lui
peignit sa position, l'etat de son coeur, et ne se fit pas plus heureuse
qu'elle n'etait. Elle lui rendit ses vers, et le remercia de lui avoir
donne un moment de bonheur.
--Je m'y suis livree, lui dit-elle, sans vouloir y reflech
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