as casse.
Le caractere d'Emmeline, a dater de ce jour, parut entierement change.
A sa gaiete succeda un air de distraction etrange. Madame Duval etant
morte peu de temps apres, la terre fut vendue, et on pretendit qu'a la
maison du faubourg Saint-Honore, la petite Duval soulevait regulierement
sa jalousie a l'heure ou un beau garcon a cheval passait, allant aux
Champs-Elysees. Quoi qu'il en soit, un an apres, Emmeline declara a sa
famille ses intentions, que rien ne put ebranler. Je n'ai pas besoin de
vous parler du haro et de tout le tapage qu'on fit pour la convaincre.
Apres six mois de resistance opiniatre, malgre tout ce qu'on put dire et
faire, il fallut ceder a la demoiselle, et la faire comtesse de Marsan.
II
Le mariage fait, la gaiete revint. Ce fut un spectacle assez curieux de
voir une femme redevenir enfant apres ses noces; il semblait que la vie
d'Emmeline eut ete suspendue par son amour; des qu'il fut satisfait, elle
reprit son cours, comme un ruisseau arrete un instant.
Ce n'etait plus maintenant dans la chambrette obscure que se passaient
les enfantillages journaliers, c'etait a l'hotel de Marsan comme dans les
salons les plus graves, et vous imaginez quels effets ils y produisaient.
Le comte, serieux et parfois sombre, gene peut-etre par sa position
nouvelle, promenait assez tristement sa jeune femme, qui riait de tout
sans songer a rien. On s'etonna d'abord, on murmura ensuite, enfin on s'y
fit, comme a toute chose. La reputation de M. de Marsan n'etait pas celle
d'un homme a marier, mais etait tres bonne pour un mari; d'ailleurs,
eut-on voulu etre plus severe, il n'etait personne que n'eut desarme
la bienveillante gaiete d'Emmeline. L'oncle Duval avait eu soin d'annoncer
que le contrat, du cote de la fortune, ne mettait pas sa niece a la merci
d'un maitre; le monde se contenta de cette confidence qu'on voulait bien
lui faire, et, pour ce qui avait precede et amene le mariage, on en parla
comme d'un caprice dont les bavards firent un roman.
On se demandait pourtant tout bas quelles qualites extraordinaires
avaient pu seduire une riche heritiere et la determiner a ce coup de
tete. Les gens que le hasard a maltraites ne se figurent pas aisement
qu'on dispose ainsi de deux millions sans quelque motif surnaturel. Ils
ne savent pas que, si la plupart des hommes tiennent avant tout a la
richesse, une jeune fille ne se doute quelquefois pas de ce que c'est que
l'argent, surtout lorsqu'elle est
|