ent un grand bruit de gens qui se
battaient derriere eux sur le navire. Ils virent Donat Kwik sortir en
courant de la salle commune, poursuivi par trois ou quatre hommes, qui
proferaient des maledictions et l'accablaient de coups. Un d'eux
semblait particulierement exaspere contre Donat et le frappait
cruellement du poing sur la tete. C'etait un homme robuste, avec de
longues moustaches rousses et des yeux fort petits.
Kwik, tout en appelant a l'aide, se defendait vigoureusement, et, ruant
comme un ane, donnait des coups de pied a droite et a gauche dans les
jambes de son ennemi, auquel la douleur arrachait plus d'une plainte.
Attire par un sentiment de compassion, Victor vola au secours du pauvre
garcon et se mit entre lui et ses agresseurs; le Francais aux moustaches
rousses donna au jeune homme un grand coup de poing dans la poitrine,
tandis que celui-ci voulait lui faire entendre raison. Enflamme de
fureur par une pareille brutalite, Victor prit le Francais a
bras-le-corps et le jeta par terre, mais l'autre s'etait accroche a lui
et tous deux roulerent en se debattant sur le pont. Jean Creps accourut
et repoussa deux ou trois hommes qui voulaient le retenir. Donat criait
comme un possede, et bientot tout le pont fut en desordre... Mais le
capitaine parut et interrompit le combat par un signe de doigt et par un
seul mot:
--Paix!
Alors commencerent les plaintes des deux cotes. Le Francais aux
moustaches rousses pretendait qu'il n'y avait pas moyen de manger a la
meme gamelle que l'enrage Flamand.
--A peine, dit-il, avons-nous les cuillers en main, qu'il avale la
viande et les feves toutes brulantes, et, quand nous l'engageons a
laisser quelque chose pour les autres, il rit comme pour se moquer de
nous et mange encore plus gloutonnement. En outre, au moindre mot, il
donne des coups de pied comme un furieux. Tenez, capitaine, voyez les
marques de la mechancete de cette brute.
Et l'homme a la moustache rousse decouvrit sa jambe et montra que le
sang coulait reellement le long de son tibia.
Donat Kwik criait qu'eux-memes l'avaient force a manger si vite pour ne
pas mourir de faim; qu'il apprendrait bien a ce Francais qu'un Flamand
ne se laisse pas opprimer et railler impunement. Il menacait si
violemment, hurlait si furieusement, que le capitaine, impatient et
irrite, mit fin au debat par ces mots:
--Ici, matelots! Qu'on jette cet enrage dans la fosse aux lions pour
trois jours!
Cet ordre parut frappe
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