ant a ses
pieds un grand monceau d'or et en le forcant ainsi a consentir avec joie
au mariage de sa fille. Anneken avait promis d'attendre, quoique son
pere voulut lui imposer un autre mari; elle ne se marierait avec
personne qu'avec son pauvre Donat Kwik. Le jeune paysan parla avec tant
d'admiration de son Anneken, de ses petits yeux noirs, de son doux
sourire, de ses bras robustes, de sa vertu et de son activite, que
Victor Roozeman prit plaisir a l'ecouter. Il y avait, en effet, une
certaine ressemblance entre sa position et celle de Donat, dont le
langage comique, mais sincere, le fit songer a Lucie et a sa mere.
[Note 1: Petite Anne.]
Les amis s'amuserent ainsi a deviser des souvenirs du pays et des
projets de l'avenir jusqu'au moment ou la nuit vint et ou chacun
descendit pour aller chercher le repos dans sa cabine.
V
LA FOSSE AUX LIONS
Cependant, _le Jonas_ continuait son voyage par un vent des plus
favorables. La nourriture, quoique se composant la plupart du temps de
viande salee et de feves, etait distribuee en quantite suffisante pour
apaiser des estomacs pousses a une activite extraordinaire par l'air vif
de la mer. Le temps magnifique et la rapidite de la navigation
inspiraient a tous du courage et de la confiance, et, quoique la joie
fut moins expansive qu'auparavant, un sourire de plaisir et d'esperance
ne cessait de briller sur tous les visages.
Un nuage cependant vint menacer la paix sur le navire. Il y avait, dans
la troisieme classe, plus de cent passagers, parmi lesquels on
remarquait soixante Francais et au moins trente Allemands des bords du
Rhin. Deja, une sorte de rivalite s'etait elevee entre les deux nations,
et meme il y avait eu entre les deux partis une bataille dans laquelle
un Allemand avait recu un coup de couteau dans le bras. Le capitaine,
voyant la une bonne occasion de montrer son autorite souveraine, fit
jeter l'agresseur et le blesse au cachot, dans un trou obscur, humide et
infect, a fond de cale, qu'on nommait _la fosse aux lions_. Les amis des
condamnes voulurent s'opposer a l'execution de cette justice sommaire et
arbitraire; mais le capitaine leur jura qu'il livrerait aux autorites du
premier port ou ils aborderaient tous ceux qui oseraient lui resister,
et qu'il les debarquerait dans tous les cas. Ceux qui ne voulaient pas
perdre le prix de leur passage ni interrompre leur voyage en Californie
n'avaient donc qu'a se soumettre avec resignation.
Cet evene
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