de son petit pied, il vit qu'elle y entroit sans
peine, & qu'elle y estoit juste comme de cire. L'etonnement des deux
soeurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa
poche l'autre petite pantoufle qu'elle mit a son pied. La-dessus arriva
la Maraine qui ayant donne un coup de sa baguette sur les habits de
Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres.
Alors ses deux soeurs la reconnurent pour la belle personne qu'elles
avoient veue au Bal. Elles se jetterent a ses pieds pour luy demander
pardon de tous les mauvais traittemens qu'elles luy avoient fait
souffrir. Cendrillon les releva, & leur dit en les embrassant, qu'elle
leur pardonnoit de bon coeur, & qu'elle les prioit de l'aimer bien
toujours. On la mena chez le jeune Prince, paree comme elle estoit: il
la trouva encore plus belle que jamais, & peu de jours apres il
l'epousa. Cendrillon qui estoit aussi bonne que belle, fit loger ses
deux soeurs au Palais, & les maria des le jour meme a deux grands
Seigneurs de la Cour.
MORALITE.
_La beaute pour le sexe est un rare tresor,
De l'admirer jamais on ne se lasse;
Mais ce qu'on nomme bonne grace,
Est sans prix, & vaut mieux encor._
_C'est ce qu'a Cendrillon fit avoir sa Maraine,
En la dressant, en l'instruisant,
Tant & si bien qu'elle en fit une Reine:
(Car ainsi sur ce Conte on va moralisant.)_
_Belles, ce don vaut mieux que d'estre bien coeffees,
Pour engager un coeur, pour en venir a bout,
La bonne grace est le vrai don des Fees;
Sans elle on ne peut rien, avec elle on peut tout._
Autre Moralite.
_C'est sans doute un grand avantage,
D'avoir de l'esprit, du courage,
De la naissance, du bon sens,
Et d'autres semblables talens,
Qu'on recoit du Ciel en partage;
Mais vous aurez beau les avoir,
Pour vostre avancement ce seront choses vaines;
Si vous n'avez, pour les faire valoir,
Ou des parrains ou des maraines._
RIQUET
A LA HOUPPE.
_CONTE._
Il estoit une fois une Reine qui accoucha d'un fils, si laid & si mal
fait, qu'on douta long-tems s'il avoit forme humaine. Une Fee qui se
trouva a sa naissance, asseura qu'il ne laisseroit pas d'estre aimable,
parce qu'il auroit beaucoup d'esprit; elle ajouta meme qu'il pourroit en
vertu du don qu'elle venoit de luy faire, donner autant d'esprit qu'il
en auroit, a la personne qu'il aimeroit le mieux.
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