moment est venu ou le coup qu'on
vous prepare va vous arriver. N'en soyez pas surpris, mon frere, et
montrez de l'indulgence a cette pauvre Marthe, qui n'est pas la plus
coupable ici."
Arsene sut renfermer la terrible emotion que lui causa cette confidence.
Il douta quelque temps encore. Il se demanda si Louison etait un monstre
de perfidie, ou si Suzanne etait une calomniatrice infame; et, dans l'un
comme dans l'autre cas, il se sentit blesse et atterre d'avoir un
tel etre dans sa famille. Il attendit que Louison fut rentree, pour
l'interroger d'un air calme et confiant sur les relations de Marthe avec
Horace. "On m'a dit qu'ils s'aimaient, lui dit-il. Je n'y vois pas le
moindre mal, et je n'ai pas le plus petit droit de m'en offenser. Mais
j'aurais cru que, comme mes soeurs, vous m'en auriez averti plus tot,
puisque vous pensiez que j'y prenais grand interet."
Louison vit bien que, malgre cet air resigne, Paul avait les levres
pales et la voix suffoquee. Elle crut qu'une jalousie concentree etait
la seule cause de sa souffrance, et, se rejouissant de son triomphe,--Ah
dame! Paul, vois-tu lui dit-elle, on ne peut parler que quand on est
sur de son fait, et tu nous as si mal recues quand nous avons voulu
t'avertir! Mais, a present, je puis bien te parler franchement, si
toutefois tu l'exiges, et si tu me promets que Marton ne le saura pas.
En parlant ainsi, elle tira de sa poche une lettre qu'Horace l'avait
chargee de remettre a Marthe. Arsene ne l'eut pas ouverte lors meme que
sa vie en eut dependu. D'ailleurs, dans ses idees simples et rigides,
une lettre etait par elle-meme une preuve concluante. Il mit celle-la
dans sa poche, et dit a Louison: "Il suffit, je te remercie; mon parti
etait deja pris en venant ici. Je te donne ma parole d'honneur que
Marthe ne saura jamais le service que tu viens de me rendre."
[Illustration: Tenez, lui dit-il en lui remettant la lettre.]
Il passa dans mon cabinet, ou je venais de rentrer moi-meme, et,
quelques instants apres, Eugenie arriva. "Tenez, lui dit-il en lui
remettant la lettre d'Horace, voici une lettre pour Marthe, que j'ai
trouvee par terre dans la chambre de mes soeurs. C'est l'ecriture de M.
Horace; je la connais.
--Paul, il est temps que je vous parle, dit Eugenie.
--Non, Mademoiselle, c'est inutile, dit Paul; je ne veux rien savoir.
Je ne suis pas aime; le reste ne me regarde pas. Je n'ai jamais ete
importun, je ne le serai jamais. Je n'ai ete indiscret q
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