it Suzanne, voici ce qui s'est passe. Louison a
ecoute, a travers la cloison de sa chambre, ce que M. Theophile et
Eugenie se disaient dans la leur. Elle a appris de cette maniere
qu'Eugenie voulait vous faire epouser Marthe, et que Marthe commencait
a aimer M. Horace. Alors elle m'a dit:--Nous sommes sauvees, et notre
frere va bientot savoir qu'on se joue de lui. Seulement il faut lui en
fournir la preuve; et quand il aura decouvert quelle femme perdue il
nous a donnee pour compagnie, il la chassera, et il ne croira plus que
nous.--Mais quelle preuve lui en donnerez-vous? lui ai-je dit; Marthe
n'est pas une femme perdue.--Si elle ne l'est pas, elle le sera
bientot, je t'en reponds, a dit Louison. Tu n'as qu'a faire comme moi
et a m'obeir en tout, et tu verras bien comme la folle donnera dans le
panneau. Alors elle a fait semblant de demander pardon a Marthe, et elle
s'est mise a dire toujours comme elle pour lui faire plaisir. Et puis
elle a dit je ne sais quoi a M. Horace pour l'encourager a courtiser
Marton; et puis elle disait toute la journee a Marton que M. Horace
etait un beau jeune homme, un brave jeune homme, et qu'a sa place elle
ne le ferait pas tant languir; et puis, enfin, elle leur menageait des
tete-a-tete, elle leur donnait l'occasion de se rencontrer dehors, et,
tant qu'Eugenie a ete malade, elle les a laisses expres ensemble toute
la journee dans une chambre, m'a emmenee dans l'autre, et deux ou trois
fois Marthe est venue tout effrayee et tout emue aupres de nous, comme
pour se refugier, et cependant Louison lui fermait la porte au nez, et
feignait de ne pas l'entendre frapper. Dieu sait ce qui est resulte de
tout cela! C'est toujours bien affreux de la part d'une fille comme
Louison, qui me fait des sermons epouvantables quand l'epingle de mon
fichu n'est pas attachee juste au-dessous du menton, et qui ne se
laisserait pas prendre le bout du doigt par un homme, de jeter ainsi une
pauvre fille dans les pieges du diable, et de favoriser un jeune homme
dont certainement les intentions sont peu chretiennes. Cela m'a fait
beaucoup de honte pour elle et de peine pour Marthe. J'ai essaye de
faire comprendre a celle-ci qu'on ne lui voulait pas de bien en agissant
ainsi, et que M. Horace n'etait qu'un enjoleur. Marthe a mal pris la
chose, elle a cru que je la haissais. Louison m'a menacee de me rouer de
coups, si je disais un mot de plus, et Eugenie, me voyant triste, m'a
reproche d'avoir de l'humeur. Enfin, le
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