lle avait attendu,
je crois, sur l'escalier. Arsene lui souhaita le bonjour, et, parlant
avec calme de choses generales, il l'observa attentivement ainsi
qu'Horace, sans que ni l'un ni l'autre s'en apercut; les amoureux ont,
a cet egard-la, une faculte d'abstraction vraiment miraculeuse. Au bout
d'un quart d'heure, Arsene se retira apres avoir serre fortement la main
de Marthe et avoir salue Horace tranquillement. Je compris le regard
d'Eugenie, et je descendis avec lui. Je craignais que cette fermete
stoique ne cachat quelque projet desespere, d'autant plus qu'il faisait
son possible pour m'eloigner. Enfin, ne pouvant plus lutter contre
lui-meme et contre moi, il s'appuya sur le parapet, et je le vis
defaillir. Je le forcai d'entrer chez un pharmacien et d'y prendre
quelques gouttes d'ether. Je lui parlai longtemps; il parut m'ecouter,
mais je crois bien qu'il ne m'entendit pas. Je le reconduisis chez lui,
et ne le quittai que lorsque je l'eus vu se mettre au lit. Au bout de la
rue, je fus assailli du souvenir tragique de tant de suicides nocturnes
causes par des desespoirs d'amour; je revins sur mes pas, et rentrai
chez lui. Je le trouvai assis sur son lit, suffoque par des sanglots
qui ne pouvaient trouver d'issue et qui le torturaient. Mes temoignages
d'amitie firent tomber de ses yeux quelques larmes, qui le soulagerent
faiblement. Un peu revenu a lui, et voyant mon inquietude:
"Tranquillisez-vous donc, Monsieur, me dit-il; je vous donne ma parole
d'honneur que je serai _un homme_. Peut-etre quand je serai seul
pourrai-je pleurer; ce serait le mieux. Laissez-moi donc, et comptez sur
moi. J'irai vous voir demain, je vous le jure."
Quand je rentrai chez moi, je trouvai Marthe d'une gaiete charmante.
Horace, d'abord trouble par la presence de son rival, s'etait battu les
flancs pour etre aimable, et celle qui l'aimait ne se faisait pas prier
pour trouver son esprit ravissant. Elle ne s'etait seulement pas doutee
que Paul eut la mort dans l'ame, et mon visage altere ne lui en donnait
pas le moindre soupcon. O egoisme de l'amour! pensai-je.
XV.
Des le lendemain Arsene vint chercher ses soeurs; et, sans presque
leur donner le temps de nous faire leurs adieux, il les emmena
silencieusement dans le nouveau domicile qu'il leur avait prepare a la
hate.
--Maintenant, leur dit-il, vous etes libres de me dire si vous voulez
rester ici ou si vous aimez mieux retourner au pays.
--Retourner au pays? s'ecria Louiso
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