iez, vous la reduiriez promptement au silence,
et vous ne souffririez pas qu'elle m'accusat sans cesse aupres de vous.
Puis-je etre satisfait quand je vois ce tiers indiscret s'immiscer dans
tous les secrets de notre amour? Puis-je etre tranquille lorsque je sais
que votre unique amie est mon ennemie juree, et qu'en mon absence elle
vous aigrit et vous met en garde contre moi?"
Il exigea qu'elle eloignat tout a fait Paul Arsene, et il y eut dans
cette expulsion qu'il lui imposait quelque chose de bien particulier. Il
craignait beaucoup le ridicule qui s'attache aux jaloux, et l'idee que
le Masaccio pourrait se glorifier de lui avoir cause de l'inquietude
lui etait insupportable. Il voulut donc que Marthe agit comme de propos
delibere et sans paraitre subir aucune influence etrangere. Il rencontra
de sa part beaucoup d'opposition a cette exigence injuste et lache; mais
il l'y amena insensiblement par mille tracasseries impitoyables. Elle
n'avait plus le droit de serrer la main de son ami, elle ne pouvait
plus lui sourire. Tout devenait crime entre eux: un regard, un mot,
lui etaient reproches amerement. Si Arsene, obeissant a une habitude
d'enfance, la tutoyait en causant, c'etait la preuve flagrante d'une
ancienne intrigue entre eux. Si, lorsque nous nous promenions tous
ensemble, elle acceptait le bras d'Arsene, Horace prenait un pretexte
ridicule, et nous quittait avec humeur, disant tout bas a Marthe qu'il
ne se souciait pas de passer pour l'antagoniste de Paul, et que c'etait
bien assez de succeder a un M. Poisson, sans partager encore avec son
laquais. Quand Marthe se revoltait contre ces persecutions iniques, il
la boudait durant des semaines entieres; et l'infortunee, ne pouvant
supporter son absence, allait le chercher, et lui demander pour ainsi
dire pardon des torts dont elle etait victime. Mais si elle offrait
alors d'avoir une franche explication avec le Masaccio, avant de le
renvoyer:
"C'est cela, s'ecriait Horace, faites-moi passer pour un fou, pour un
tyran ou pour un sot, afin que M. Paul Arsene aille partout me railler
et me diffamer! Si vous agissez ainsi, vous me mettrez dans la necessite
de lui chercher querelle et de le souffleter, quelque beau matin, en
plein cafe."
Epuisee de cette lutte odieuse, Marthe prit un jour la main d'Arsene, et
la portant a ses levres:
"Tu es mon meilleur ami, lui dit-elle, tu vas me rendre un dernier
service, le plus penible de tous pour toi, et surtout pour moi.
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