er trop cet excellent
jeune homme, c'etait un petit mobilier qu'il avait acquis pour elle, et
qui se composait d'une couchette en fer, de deux chaises, d'une table,
d'une commode en noyer, et d'une petite toilette qu'il avait choisie
lui-meme, helas! avec tant d'amour! Nous faisions accroire a Marthe que
ces meubles etaient a nous, et que nous les lui pretions. Elle agreait
nos soins avec tant de candeur et de charme, que nous eussions ete
heureux de les lui faire agreer toute notre vie; mais il n'en devait pas
etre ainsi. Un mauvais genie planait sur la destinee de Marthe: c'etait
Horace.
Apres la declaration formelle d'Eugenie, il s'etait attendu a une lutte
avec Arsene. Il etait fort humilie d'avoir un semblable rival; et
cependant, comme il le savait tres-fin, tres-hardi, tres-estime de nous
tous, et de Marthe la premiere, c'en etait assez pour qu'il acceptat
cette lutte. Quelques jours auparavant, il eut abandonne la partie
plutot que de commettre son esprit elegant et cultive avec la malice un
peu crue et un peu rustique du Masaccio; mais a ce moment-la, son amour
etait arrive a un paroxysme febrile, et il n'eut pas rougi de disputer
l'objet de ses desirs a M. Poisson lui-meme.
A la grande surprise de tous, Paul Arsene parut calme jusqu'a
l'indifference, et Horace pensa qu'Eugenie avait beaucoup exagere son
amour. Mais lorsqu'il sut que Paul n'ignorait plus le sien, et lorsque
je lui eus raconte dans quelles angoisses de douleur j'avais surpris ce
courageux jeune homme, il commenca a s'inquieter de sa perseverance a
reparaitre devant lui, et de l'espece de tranquillite triomphante qu'il
semblait jouer pour le braver. Sa jalousie s'alluma; les plus etranges
soupcons s'eveillerent dans son esprit, et il les laissa paraitre.
Marthe n'y comprit rien d'abord: sa conscience etait trop pure pour
qu'elle put s'offenser de doutes qui n'avaient pas de sens pour elle.
Le sombre depit d'Horace la troubla sans l'eclairer. Eugenie eut la
delicatesse de ne pas se meler de ce qui se passait entre eux, mais elle
espera qu'en s'apercevant de l'outrage qui lui etait fait, Marthe se
releverait fiere et blessee.
Dans ses acces de jalousie, Horace me pria, par depit, de le conduire
chez madame de Chailly. Il y retourna deux ou trois fois, et affecta
de trouver la vicomtesse de plus en plus adorable. Ce furent autant de
blessures dans le coeur de Marthe; mais l'amour naissant est comme un
serpent fraichement coupe par morceaux, qu
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