t, que deux chemins, et elle n'a presque que deux themes, l'armee et
les femmes. Nous avions epuise le second pendant le dejeuner, mais
le premier restait inepuisable a nos reves d'avenir. Dans quel corps
allions-nous etre verses, l'un et l'autre? Mon cousin en tenait pour
l'Afrique; moi, pour l'Est et la frontiere, car, en ce temps-la, le sang
de ma race me bouillait aux veines et je croyais a des tas de choses
auxquelles ma foi militaire a fait tristement faillite.
--Ce qui me plairait de l'Afrique, me disait Charles, ce serait d'y
servir sous le fameux general de Madiran, qui y commande. Il est la plus
franche gloire du metier, a l'heure presente. Mais pourquoi ris-tu?
Et je riais, en effet, car, cette franche gloire, elle etait double et
elle fournissait ses deux legendes.
--Je n'imagine pas, lancai-je, le plaisir qu'il peut y avoir a etre
commande par le plus grand cocu de France et de Navarre.
A peine avais-je emis cette belle sentence que, dresse devant moi, un
homme me tendait sa carte:
"General comte de Madiran."
Il faut faire le tour des statues. Mais il etait trop tard. Je tirai
donc ma carte, en silence, et j'en fis l'echange classique avec mon
offense:
"Jean-Myrtil de la Galoniere."
Grand, sec, hale, les cheveux tailles en brosse, l'oeil d'acier, le
general ressemblait a un sabre. Il fallait, a l'aspect, lui defalquer
dix ans sur les soixante que lui attribuait l'annuaire. Charles buvait
son heros des yeux, mais tres pale de mon aventure. J'etais pour lui
deja un homme mort, les duels de Madiran etant, dans l'armee, comme des
contes de fees de l'escrime. Et j'attendais. Le general, le front
baisse sur ma carte, semblait la lire et la relire ainsi qu'en reve.
Brusquement il me regarda, et, d'une voix presque emue:
--Mon enfant, j'ai du epouser votre mere.
--Mais n'importe, relevai-je betement, je suis a vos ordres.
Cette niaiserie de blanc-bec ne l'avait pas distrait de sa reverie
singuliere.
--Vit-elle encore, votre charmante mere?
Mon cousin repondit pour moi par un signe d'affirmation muette. Le
terrible sabreur d'Afrique s'etait retourne et il s'en allait en serrant
ma carte dans sa poche, lorsqu'il revint a nous en demi-cercle:
--Alors ... comme ca ... j'en suis de la confrerie?
Et le coup d'oeil dont il appuya sa question etait si enigmatique qu'il
me desarma de toute contenance.
--De Navarre?... soit, je suis Basque ... mais de France?... Voyons!
Devant cette iron
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