but unique toutes les forces de sa volonte, avait accentue ses traits et
donne un charme etrange et mysterieux a toutes ses manieres. Personne
ne savait qu'elle aimait; tout le monde sentait qu'elle etait capable
d'aimer passionnement, et tous les hommes qui s'etaient approches d'elle
avaient desire de lui inspirer de l'amour ou de l'amitie. A cause de ce
puissant attrait, il y avait eu un moment dans le monde ou les femmes,
jalouses d'elle, mais ne pouvant attaquer ses moeurs, l'avaient accusee
de coquetterie. Jamais reproche ne fut moins merite. Marcelle n'avait
pas de temps a perdre au pueril et impudique amusement d'inspirer
des desirs. Elle ne pensait pas meme qu'elle put en inspirer, et,
en s'eloignant brusquement du monde, elle n'avait pas a se faire le
reproche d'y avoir marque volontairement son passage.
Rose Bricolin, incontestablement plus belle, mais moins mysterieuse a
suivre et a deviner dans ses emotions enfantines, avait entendu parler
de la jeune baronne de Blanchemont comme d'une beaute des salons de
Paris, et elle ne comprenait pas bien comment, avec une mise si simple
et des manieres si naturelles, cette blonde fatiguee pouvait s'etre fait
une telle reputation. Rose ne savait pas que, dans les societes tres
civilisees, et par consequent tres-blasees, l'animation interieure
repand un prestige sur l'exterieur de la femme, qui efface toujours la
majeste classique de la froide beaute. Cependant Rose sentait qu'elle
aimait deja Marcelle a la folie; elle ne se rendait pas encore bien
compte de l'attraction exercee par son regard ferme et vif, par le son
affectueux de sa voix, par son sourire fin et bienveillant, par les
allures decidees et genereuses de tout son etre. Elle n'est pourtant pas
si belle que je croyais! pensait-elle; d'ou vient donc que je voudrais
lui ressembler? Rose se surprit, en effet, occupee a attacher ses
cheveux comme elle, et a imiter involontairement sa demarche, sa maniere
brusque et gracieuse de tourner la tete, et jusqu'aux inflexions de sa
voix. Elle y reussit assez bien pour perdre en peu de jours un reste de
gaucherie rustique qui avait pourtant son charme; mais il est vrai de
dire que cette vivacite fut plus d'inspiration que d'emprunt, et qu'elle
sut bientot se l'approprier assez pour rehausser beaucoup en elle les
dons de la nature. Rose n'etait pas non plus depourvue de courage et
de franchise; Marcelle etait plutot destinee a developper son naturel
etouffe par les circons
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