une
puissance et d'une signification extraordinaires; elles remplissent
l'air d'une symphonie fantastique qui ressemble a la langue mysterieuse
de l'infini.
A la realite decouverte ou devinee du paysage se joint, chez Mme Sand,
un charme de sensibilite et un attrait tout particuliers. On ne
s'interesse pas seulement a sa peinture, on en est emu, on l'aime. Ce
nouvel effet tient a l'art delicat ou plutot a l'heureux instinct de ne
jamais decrire uniquement pour decrire, et d'associer toujours a la
nature quelque chose de l'ame humaine, une pensee ou un sentiment. Le
paysage ne va jamais seul, chez elle; il est choisi en harmonie ou en
contraste avec l'etat de l'ame qui s'y repand. Mais ce contraste
lui-meme est une sorte particuliere d'harmonie plus intime. Au moment ou
il semble que, dans l'imposante solitude des montagnes, tout le reste va
etre oublie, il surgira de l'ombre du rocher une petite pastoure
espagnole, et nous voila qui mettons dans un coin du paysage son piquant
profil, son joli sourire, sa chevelure flottante, _melee au vent comme
la queue d'une jeune cavale_. Et ainsi l'ame, en retrouvant la figure
humaine, se detend de la grandeur trop austere que lui imposent les
cimes et les torrents. Si nos regards se perdent dans les horizons de la
mer, on nous y montre une voile, et sous cette voile nous devinons un
rude travailleur qui peine et qui souffre. S'ils se portent vers les
profondeurs sans limites du ciel, on nous y fait supposer des peuples
d'ames inconnues, animant de leurs joies ou de leurs souffrances la
bleue immensite. Toujours un sentiment joue autour du paysage et ajoute
a l'infini de la nature l'infini plus mysterieux de l'ame. Une fleur,
une herbe, tout s'harmonise avec nos pensees. Des traits charmants
eclatent a chaque instant a travers les dialogues ou les reveries, comme
celui-ci: "En portant mes mains a mon visage, je respirai l'odeur d'une
sauge dont j'avais touche les feuilles quelques heures auparavant. Cette
petite plante fleurissait maintenant sur la montagne, a plusieurs lieues
de moi. Je l'avais respectee; je n'avais emporte d'elle que son exquise
senteur. D'ou vient qu'elle l'avait laissee? Quelle chose precieuse est
donc le parfum, qui, sans rien faire perdre a la plante dont il emane,
s'attache aux mains d'un ami, et le suit en voyage pour le charmer et
lui rappeler longtemps la beaute de la fleur qu'il aime? Le parfum de
l'ame, c'est le souvenir...." Cette page m'a toujours fra
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