ris. M. Valigny
etait alors un garcon plein de douceur et d'obligeance pour toi, ma
fille, et tu en abusais sans scrupule. A present que tu n'es que trop
raisonnable, remercie-le du passe et parle-lui de ta marraine, qui a
continue d'etre si bonne pour toi.
Adelaide etait fort intimidee; mais j'etais si bien en garde contre le
danger de l'effaroucher, qu'elle se rassura avec un tact merveilleux. En
un instant, je la vis transformee. Cette reveuse et fiere beaute s'anima
d'un splendide sourire, et elle me tendit la main avec une sorte de
gaucherie charmante qui ajoutait a sa grace naturelle. Je ne fus pas emu
en touchant cette main pure, et, comme si elle l'eut senti, elle sourit
davantage et m'apparut plus belle encore.
C'etait un type tres-different de celui d'Obernay et de Rosa, qui
ressemblaient a leur mere. Adelaide en tenait aussi par la blancheur et
l'eclat; mais elle avait l'oeil noir et pensif, le front vaste, la
taille degagee et les extremites fines de son pere, qui avait ete un des
plus beaux hommes du pays; madame Obernay restait gracieuse et fraiche
sous ses cheveux grisonnants, et, comme Paule de Valvedre, sans etre
jolie, etait extremement agreable: on disait dans la ville que, lorsque
les Obernay et les Valvedre etaient reunis, ou croyait entrer dans un
musee de figures plus ou moins belles, mais toutes noblement
caracterisees et dignes de la statuaire et du pinceau.
J'avais a peine fini ma toilette, qu'Obernay vint m'appeler.
--Valvedre est en bas, me dit-il; il t'attend pour faire connaissance et
dejeuner avec toi.
Je descendis en toute hate; mais, a la derniere marche de l'escalier, il
me vint une terreur etrange. Une vague apprehension qui, depuis quinze
jours, m'avait souvent traverse l'esprit et qui m'etait revenue
fortement dans la journee, s'empara de moi a tel point, que, voyant la
porte de la maison ouverte, j'eus envie de fuir; mais Obernay etait sur
mes talons, me fermant la retraite. J'entrai dans la salle a manger. Le
repas etait servi; une voix a la fois douce et male partait du salon
voisin. Plus d'incertitude, plus de refuge; mon inconnu du Simplon,
c'etait M. de Valvedre lui-meme.
Un monde de mensonges plus impossibles les uns que les autres, un siecle
d'anxietes remplirent le peu d'instants qui me separaient de cette
inevitable rencontre. Qu'allais-je dire a M. de Valvedre, a Henri, a
Paule et devant les deux familles, pour motiver ma presence aux environs
de Valvedre, qua
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