que les conquetes du XVIIIe siecle
se sont renversees contre lui, que les sciences qu'il a creees se sont
retournees contre les idees qui lui etaient cheres.
Le XVIIIe siecle a cree, ou plutot restitue la science politique; et
la science politique est peu a peu arrivee a cette conclusion que la
politique est une science d'observation, ne se construit nullement par
abstractions et par syllogismes, et, tout compte fait, n'est pas autre
chose que la philosophie de l'histoire, ou mieux encore une sorte de
pathologie historique; conception modeste et realiste, qui, pour avoir
ete celle de Montesquieu, n'a nullement ete celle du XVIIIe siecle en
general, et tant s'en faut.
Le XVIIIe siecle a cree, ou dirige dans ses veritables voies l'histoire
civile; et l'histoire civile, constituee, fortifiee, enrichie,
et semble-t-il, presque achevee par notre age, condamne presque
completement l'oeuvre et l'esprit du XVIIIe siecle, enseigne qu'au
contraire de ce qu'il a cru, la tradition est aussi essentielle a la vie
d'un peuple que la racine a l'arbre, estime qu'un peuple qui, pour se
developper, se deracine, d'abord ne peut pas y reussir, ensuite, pour
peu qu'il y tache, se fatigue et risque de se ruiner par ce seul effort;
qu'enfin les developpements d'une nation ne peuvent s'accomplir que
par mouvements continus et insensibles, et que le progres n'est qu'une
accumulation et comme une stratification de petits progres.
Le XVIIIe siecle a cree, ou admirablement lance en avant les sciences
naturelles; et les sciences naturelles ont des opinions tres differentes
de celles du XVIIIe siecle. Elles ne croient ni au contrat social, ni
a l'egalite parmi les hommes. Par les theories de l'heredite et de la
selection elles retablissent comme verites scientifiques les prejuges de
la "race" et de "l'aristocratie". Elles sont assez patriciennes, et un
peu contre-revolutionnaires.
Mais il n'importe. C'est la destinee des hommes de commencer des oeuvres
dont ils ne peuvent mesurer ni les proportions, ni les suites, ni les
retours; et ce que nous creons, par cela seul qu'il garde notre nom,
sinon notre esprit, dut-il tourner un peu a notre confusion, reste
encore a notre gloire. Celle du XVIIIe siecle, encore que faible par
certains cotes, demeure grande et nous est chere. Que ce n'ait ete ni un
siecle poetique, ni un siecle philosophique, il nous le faut confesser;
mais c'est un siecle initiateur en choses de sciences, et l'annonce et
la prom
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