cendirent sur le perron, cinq belles filles choisies
avec soin par un camarade du capitaine a qui _Le Devoir_ etait alle
porter une carte de son officier.
Elles ne s'etaient point fait prier, sures d'etre bien payees,
connaissant d'ailleurs les Prussiens, depuis trois mois qu'elles en
tataient, et prenant leur parti des hommes comme des choses. "C'est le
metier qui veut ca", se disaient-elles en route, pour repondre sans
doute a quelque picotement secret d'un reste de conscience.
Et tout de suite on entra dans la salle a manger. Illuminee, elle
semblait plus lugubre encore en son delabrement piteux; et la table
couverte de viandes, de vaisselle riche et d'argenterie retrouvee dans
le mur ou l'avait cachee le proprietaire, donnait a ce lieu l'aspect
d'une taverne de bandits qui soupent apres un pillage. Le capitaine,
radieux, s'empara des femmes comme d'une chose familiere, les
appreciant, les embrassant, les flairant, les evaluant a leur valeur
de filles a plaisir; et comme les trois jeunes gens voulaient en
prendre chacun une, il s'y opposa avec autorite, se reservant de faire
le partage, en toute justice, suivant les grades, pour ne blesser en
rien la hierarchie.
Alors, afin d'eviter toute discussion, toute contestation et
tout soupcon de partialite, il les aligna par rang de taille, et
s'adressant a la plus grande, avec le ton du commandement: "Ton nom?"
Elle repondit en grossissant sa voix: "Pamela."
Alors il proclama: "Numero un, la nommee Pamela, adjugee au
commandant."
Ayant ensuite embrasse Blondine, la seconde, en signe de propriete,
il offrit au lieutenant Otto la grosse Amanda, Eva _la Tomate_ au
sous-lieutenant Fritz, et la plus petite de toutes, Rachel, une brune
toute jeune, a l'oeil noir comme une tache d'encre, une juive dont le
nez retrousse confirmait la regle qui donne des becs courbes a toute
sa race, au plus jeune des officiers, au frele marquis Wilhem d'Eyrik.
Toutes, d'ailleurs, etaient jolies et grasses, sans physionomies bien
distinctes, faites a peu pres pareilles de tournure et de peau par
les pratiques d'amour quotidiennes et la vie commune des maisons
publiques.
Les trois jeunes gens pretendaient tout de suite entrainer leurs
femmes, sous pretexte de leur offrir des brosses et du savon pour se
nettoyer; mais le capitaine s'y opposa sagement, affirmant qu'elles
etaient assez propres pour se mettre a table et que ceux qui
monteraient voudraient changer en descendant et troubl
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