se calme et profonde,
heureuse de toucher son front et de le tenir contre elle.
Peu a peu il l'enlacait de ses bras, lui baisait les joues et les
yeux sans qu'elle fit rien pour lui echapper, et leurs levres se
rencontrerent. Elle s'abandonna.
Ce fut (la realite n'a pas de ces extases), ce fut une seconde d'un
bonheur suraigu et surhumain, ideal et charnel, affolant, inoubliable.
Elle s'eveilla, vibrante, eperdue, et ne put se rendormir, tant elle
se sentait obsedee, possedee toujours par lui.
Et quand elle le revit, ignorant du trouble qu'il avait produit, elle
se sentit rougir; et pendant qu'il lui parlait timidement de son
amour, elle se rappelait sans cesse, sans pouvoir rejeter cette
pensee, elle se rappelait l'enlacement delicieux de son reve.
Elle l'aima, elle l'aima d'une etrange tendresse, raffinee et
sensuelle, faite surtout du souvenir de ce songe, bien qu'elle
redoutat l'accomplissement du desir qui s'etait eveille dans son ame.
Il s'en apercut enfin. Et elle lui dit tout, jusqu'a la peur qu'elle
avait de ses baisers. Elle lui fit jurer qu'il la respecterait.
Il la respecta. Ils passaient ensemble de longues heures d'amour
exalte, ou les ames seules s'etreignaient. Et ils se separaient
ensuite enerves, defaillants, enfievres.
Leurs levres parfois se joignaient; et, fermant les yeux, ils
savouraient cette caresse longue, mais chaste quand meme.
Elle comprit qu'elle ne resisterait plus longtemps; et, comme elle
ne voulait pas faillir, elle ecrivit a son mari qu'elle desirait
retourner pres de lui et reprendre sa vie tranquille et solitaire.
Il repondit une lettre excellente, en la dissuadant de revenir en
plein hiver, de s'exposer a ce brusque depaysement, aux brumes
glaciales de la vallee.
Elle fut alteree et indignee contre cet homme confiant, qui ne
comprenait pas, qui ne devinait pas les luttes de son coeur.
Fevrier etait clair et doux, et bien qu'elle evitat maintenant de se
trouver longtemps seule avec Mouton Fidele, elle acceptait parfois
de faire en voiture, avec lui, une promenade autour du lac, au
crepuscule.
On eut dit ce soir-la que toutes les seves s'eveillaient, tant les
souffles de l'air etaient tiedes. Le petit coupe allait au pas; la
nuit tombait; ils se tenaient les mains, serres l'un contre l'autre.
Elle se disait: "C'est fini, c'est fini, je suis perdue", sentant en
elle un soulevement de desirs, l'imperieux besoin de cette supreme
etreinte qu'elle avait ressent
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