rte. Il descendit aussitot, pour examiner sa monture. Il avait
fait coudre des sous-pieds a son pantalon, et manoeuvrait une cravache
achetee la veille.
Il leva et palpa, l'une apres l'autre, les quatre jambes de la bete,
tata le cou, les cotes, les jarrets, eprouva du doigt les reins,
ouvrit la bouche, examina les dents, declara son age, et, comme toute
la famille descendait, il fit une sorte de petit cours theorique et
pratique sur le cheval en general et en particulier sur celui-la,
qu'il reconnaissait excellent.
Quand tout le monde fut bien place dans la voiture, il verifia les
sangles de la selle; puis, s'enlevant sur un etrier, retomba sur
l'animal, qui se mit a danser sous la charge et faillit desarconner
son cavalier.
Hector, emu, tachait de le calmer:
"Allons, tout beau, mon ami, tout beau."
Puis, quand le porteur eut repris sa tranquillite et le porte son
aplomb, celui-ci demanda:
"Est-on pret?"
Toutes les voix repondirent:
"Oui."
Alors, il commanda:
"En route!"
Et la cavalcade s'eloigna.
Tous les regards etaient tendus sur lui. Il trottait a l'anglaise en
exagerant les ressauts. A peine etait-il retombe sur la selle qu'il
rebondissait comme pour monter dans l'espace. Souvent il semblait pret
a s'abattre sur la criniere; et il tenait ses yeux fixes devant lui,
ayant la figure crispee et les joues pales.
Sa femme, gardant sur ses genoux un des enfants, et la bonne qui
portait l'autre, repetaient sans cesse:
"Regardez papa, regardez papa!"
Et les deux gamins, grises par le mouvement, la joie et l'air vif,
poussaient des cris aigus. Le cheval, effraye par ces clameurs, finit
par prendre le galop, et, pendant que le cavalier s'efforcait de
l'arreter, le chapeau roula par terre. Il fallut que le cocher
descendit de son siege pour ramasser cette coiffure, et, quand Hector
l'eut recue de ses mains, il s'adressa de loin a sa femme:
"Empeche donc les enfants de crier comme ca; tu me ferais emporter!"
On dejeuna sur l'herbe, dans le bois du Vesinet, avec les provisions
deposees dans les coffres.
Bien que le cocher prit soin des trois chevaux, Hector a tout moment
se levait pour aller voir si le sien ne manquait de rien; et il le
caressait sur le cou, lui faisant manger du pain, des gateaux, du
sucre.
Il declara:
"C'est un rude trotteur. Il m'a meme un peu secoue dans les premiers
moments; mais tu as vu que je m'y suis vite remis: il a reconnu son
maitre, il ne bougera pl
|