ble horreur pour cette nuit
stupide de gaite imbecile.
--Quoi donc?
--Quoi? Vous voulez le savoir? Eh bien, ecoutez:
Vous vous rappelez comme il faisait froid, voici deux ans, a cette
epoque; un froid a tuer les pauvres dans la rue. La Seine gelait; les
trottoirs glacaient les pieds a travers les semelles des bottines; le
monde semblait sur le point de crever.
J'avais alors un gros travail en train et je refusai toute invitation
pour le reveillon, preferant passer la nuit devant ma table. Je dinai
seul; puis je me mis a l'oeuvre. Mais voila que, vers dix heures, la
pensee de la gaite courant Paris, le bruit des rues qui me parvenait
malgre tout, les preparatifs de souper de mes voisins, entendus
a travers les cloisons, m'agiterent. Je ne savais plus ce que je
faisais; j'ecrivais des betises; et je compris qu'il fallait renoncer
a l'espoir de produire quelque chose de bon cette nuit-la.
Je marchai un peu a travers ma chambre. Je m'assis, je me relevai. Je
subissais, certes, la mysterieuse influence de la joie du dehors, et
je me resignai.
Je sonnai ma bonne et je lui dis: "Angele, allez m'acheter de quoi
souper a deux: des huitres, un perdreau froid, des ecrevisses, du
jambon, des gateaux. Montez-moi deux bouteilles de champagne; mettez
le couvert et couchez-vous."
Elle obeit, un peu surprise. Quand tout fut pret, j'endossai mon
pardessus, et je sortis.
Une grosse question restait a resoudre: Avec qui allais-je
reveillonner? Mes amies etaient invitees partout. Pour en avoir une,
il aurait fallu m'y prendre d'avance. Alors, je songeai a faire en
meme temps une bonne action. Je me dis: Paris est plein de pauvres et
belles filles qui n'ont pas un souper sur la planche, et qui errent en
quete d'un garcon genereux. Je veux etre la Providence de Noel d'une
de ces desheritees.
Je vais roder, entrer dans les lieux de plaisir, questionner, chasser,
choisir a mon gre.
Et je me mis a parcourir la ville.
Certes, je rencontrai beaucoup de pauvres filles cherchant aventure,
mais elles etaient laides a donner une indigestion, ou maigres a geler
sur pied si elles s'etaient arretees.
J'ai un faible, vous le savez, j'aime les femmes nourries. Plus elles
sont en chair, plus je les prefere. Une colosse me fait perdre la
raison.
Soudain, en face du theatre des Varietes, j'apercus un profil a mon
gre. Une tete, puis, par devant, deux bosses, celle de la poitrine,
fort belle, celle du dessous surprenante: un ven
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