, des chansons que braillaient jadis les vieux
troupiers de la grande armee.
Tout a coup Le Poittevin, qui restait, malgre tout, presque maitre de
lui, nous fit taire, puis, apres un silence de quelques secondes, il
dit a mi-voix: "Je suis sur qu'on a marche dans l'atelier." Sorieul
se leva comme il put, et s'ecria: "Un voleur! quelle chance!" Puis,
soudain, il entonna la _Marseillaise_:
Aux armes, citoyens!
Et, se precipitant sur une panoplie, il nous equipa, selon nos
uniformes. J'eus une sorte de mousquet et un sabre; Le Poittevin, un
gigantesque fusil a baionnette, et Sorieul, ne trouvant pas ce qu'il
fallait, s'empara d'un pistolet d'arcon qu'il glissa dans sa ceinture,
et d'une hache d'abordage qu'il brandit. Puis il ouvrit avec
precaution la porte de l'atelier, et l'armee entra sur le territoire
suspect.
Quand nous fumes au milieu de la vaste piece encombree de toiles
immenses, de meubles, d'objets singuliers et inattendus, Sorieul nous
dit: "Je me nomme general. Tenons un conseil de guerre. Toi, les
cuirassiers, tu vas couper la retraite a l'ennemi, c'est-a-dire
donner un tour de clef a la porte. Toi, les grenadiers, tu seras mon
escorte."
J'executai le mouvement commande, puis je rejoignis le gros des
troupes qui operait une reconnaissance.
Au moment ou j'allais le rattraper derriere un grand paravent, un
bruit furieux eclata. Je m'elancai, portant toujours une bougie a la
main. Le Poittevin venait de traverser d'un coup de baionnette la
poitrine d'un mannequin dont Sorieul fendait la tete a coups de hache.
L'erreur reconnue, le general commanda: "Soyons prudents," et les
operations recommencerent.
Depuis vingt minutes au moins on fouillait tous les coins et recoins
de l'atelier, sans succes, quand Le Poittevin eut l'idee d'ouvrir un
immense placard. Il etait sombre et profond, j'avancai mon bras qui
tenait la lumiere, et je reculai stupefait; un homme etait la, un
homme vivant, qui m'avait regarde.
Immediatement, je refermai le placard a deux tours de clef, et on tint
de nouveau conseil.
Les avis etaient tres partages. Sorieul voulait enfumer le voleur, Le
Poittevin parlait de le prendre par la famine. Je proposai de faire
sauter le placard avec de la poudre.
L'avis de Le Poittevin prevalut; et, pendant qu'il montait la garde
avec son grand fusil, nous allames chercher le reste du punch et
nos pipes, puis on s'installa devant la porte fermee, et on but au
prisonnier.
Au bout d'une d
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