ataires etaient titres; mais l'argent
semblait rare au premier comme au sixieme.
Les eternels prejuges, la preoccupation du rang, le souci de ne pas
dechoir, hantaient ces familles autrefois brillantes, et ruinees par
l'inaction des hommes. Hector de Gribelin rencontra dans ce monde une
jeune fille noble et pauvre comme lui, et l'epousa.
Ils eurent deux enfants en quatre ans.
Pendant quatre annees encore, ce menage, harcele par la misere, ne
connut d'autres distractions que la promenade aux Champs-Elysees, le
dimanche, et quelques soirees au theatre, une ou deux par hiver, grace
a des billets de faveur offerts par un collegue.
Mais voila que, vers le printemps, un travail supplementaire fut
confie a l'employe par son chef, et il recut une gratification
extraordinaire de trois cents francs.
En rapportant cet argent, il dit a sa femme:
"Ma chere Henriette, il faut nous offrir quelque chose, par exemple
une partie de plaisir pour les enfants."
Et apres une longue discussion, il fut decide qu'on irait dejeuner a
la campagne.
"Ma foi, s'ecria Hector, une fois n'est pas coutume; nous louerons un
break pour toi, les petits et la bonne, et moi je prendrai un cheval
au manege. Cela me fera du bien."
Et pendant toute la semaine on ne parla que de l'excursion projetee.
Chaque soir, en rentrant du bureau, Hector saisissait son fils aine,
le placait a califourchon sur sa jambe, et, en le faisant sauter de
toute sa force, il lui disait:
"Voila comment il galopera, papa, dimanche prochain, a la promenade."
Et le gamin, tout le jour, enfourchait les chaises et les trainait
autour de la salle en criant:
"C'est papa a dada."
Et la bonne elle-meme regardait monsieur d'un oeil emerveille, en
songeant qu'il accompagnerait la voiture a cheval; et pendant tous les
repas elle l'ecoutait parler d'equitation, raconter ses exploits de
jadis, chez son pere. Oh! il avait ete a bonne ecole, et, une fois la
bete entre ses jambes, il ne craignait rien, mais rien!
Il repetait a sa femme en se frottant les mains:
"Si on pouvait me donner un animal un peu difficile, je serais
enchante. Tu verras comme je monte; et, si tu veux, nous reviendrons
par les Champs-Elysees au moment du retour du Bois. Comme nous ferons
bonne figure, je ne serais pas fache de rencontrer quelqu'un du
Ministere. Il n'en faut pas plus pour se faire respecter des chefs."
Au jour dit, la voiture et le cheval arriverent en meme temps devant
la po
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