contentement, en faisant
s'epanouir sa levre, briller son regard, frissonner son ame de femme a
qui les adorations sont dues.
Elle aimait ces tete-a-tete des soirs tombants, au coin du feu, dans
le salon deja sombre, alors que l'homme devient pressant, balbutie,
tremble et tombe a genoux. C'etait pour elle une joie exquise et
nouvelle de sentir cette passion qui ne l'effleurait pas, de dire non
de la tete et des levres, de retirer ses mains, de se lever, et
de sonner avec sang-froid pour demander les lampes, et de voir se
redresser confus et rageant, en entendant venir le valet, celui qui
tremblait a ses pieds.
Elle avait des rires secs qui glacaient les paroles brulantes, des
mots durs tombant comme un jet d'eau glacee sur les protestations
ardentes, des intonations a faire se tuer celui qui l'eut adoree
eperdument.
Deux jeunes gens surtout la poursuivaient avec obstination. Ils ne se
ressemblaient guere.
L'un, M. Paul Peronel, etait un grand garcon mondain, galant et hardi,
homme a bonnes fortunes, qui savait attendre et choisir ses heures.
L'autre, M. d'Avancelle, fremissait en l'approchant, osait a peine
deviner sa tendresse, mais la suivait comme son ombre, disant son
desir desespere par des regards eperdus et par l'assiduite de sa
presence aupres d'elle.
Elle appelait le premier le "Capitaine Fracasse" et le second "Mouton
Fidele"; elle finit par faire de celui-ci une sorte d'esclave attache
a ses pas, dont elle usait comme d'un domestique.
Elle eut bien ri si on lui eut dit qu'elle l'aimerait.
Elle l'aima pourtant d'une singuliere facon. Comme elle le voyait sans
cesse, elle avait pris l'habitude de sa voix, de ses gestes, de toute
l'allure de sa personne, comme on prend l'habitude de ceux pres de qui
on vit continuellement.
Bien souvent en ses reves son visage la hantait; elle le revoyait tel
qu'il etait dans la vie, doux, delicat, humblement passionne; et elle
s'eveillait obsedee du souvenir de ces songes, croyant l'entendre
encore, et le sentir pres d'elle. Or, une nuit (elle avait la fievre
peut-etre), elle se vit seule avec lui, dans un petit bois, assis tous
deux sur l'herbe.
Il lui disait des choses charmantes en lui pressant les mains et les
baisant. Elle sentait la chaleur de sa peau et le souffle de son
haleine; et, d'une facon naturelle, elle lui caressait les cheveux.
On est, dans le reve, tout autre que dans la vie. Elle se sentait
pleine de tendresse pour lui, d'une tendres
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